Les Lego de la discorde

Est-ce que tout est toujours super génial dans la franchise de films Lego ? Apparemment pas.
Fraîchement accueilli par la critique et le public US, "La Grande Aventure Lego 2" traîne la réputation du film de trop qui va sans doute enterrer les espoirs de trilogie pour une saga-mère souffrant sans doute déjà de ses déclinaisons moins abouties sur grand écran ("Lego Batman" et "Lego Ninjago"). De plus, même s'ils sont toujours présents côté écriture, Phil Lord et Chris Miller ont cette fois abandonné leur poste de réalisateurs au profit de Mike Mitchell, auteur d'un très oubliable "Shrek 4", et Trisha Gum... Autant dire que l'absence de leur énergie visuellement débordante et indissociable de la réussite du premier opus n'avait pas de quoi susciter notre enthousiasme autour de cette suite et c'est donc un peu à reculons que l'on part la découvrir, sans grandes attentes, en espérant simplement au mieux qu'elle ne trahisse pas la qualité de son modèle. Alors, au final, "La Grande Aventure Lego 2" est-elle vraiment la catastrophe annoncée ?

Eh bien, à notre grand étonnement... non. Mais pas du tout, en fait ! Au risque de se retrouver seul contre tous, on s'est même sacrément amusé devant cette suite !
Évidemment, on ne le niera pas, l'effet de surprise du premier n'y est plus. La découverte des possibilités visuelles assez démentes de ces univers constitués des fameuses petites briques ou celle de l'entrée étonnante du monde réel dans la donne pour amplifier le discours métaphorique du film ne résonnent plus comme les qualités premières de "La Grande Aventure Lego 2" là où elles l'étaient pleinement dans le précédent. Mais, sur le deuxième point, le film va plutôt bien rebondir sur l'épilogue de son modèle qui montrait l'imaginaire très enfantin de la petite soeur sous forme de Lego Duplo se fracasser à celui issu de l'esprit de son grand frère par lequel on avait vécu les aventure d'Emmet, Cool-Tag & co et, ainsi, appris à connaître la personnalité et les peurs de ce jeune héros de dernière minute.
Si l'original faisait de l'image paternelle une figure psychorigide vouée à être contaminée par l'imagination débordante d'un enfant, sa suite, elle, va se concentrer sur le conflit frère/soeur où leur différence d'âge, et donc par extension de caractère dans leur manière d'appréhender et de jouer avec des Lego, va amener les mondes issus de leurs esprits respectifs à se combattre. On pourrait bêtement résumer tout ça par un "Joue avec ton fils !" se transformant en "Joue avec ta soeur !" (et c'est un peu le cas) mais, en ajoutant le conflit intérieur du jeune garçon coincé entre l'enfance et les prémices d'un regard plus adulte, "La Grande Aventure Lego 2" construit finalement un discours aussi bien pensé que le précédent (la surprise en moins comme seul défaut, on le répète, même s'il y a néanmoins un twist bien vu en ce sens) et qui va carrément lorgner sur les plates-bandes de "Toy Story" en s'intéressant au rapport entretenu par un enfant avec ses jouets sur la durée.

Avant que tout cela ne soit explicité, le film de Mike Mitchell nous plonge donc dans cette guerre fratricide où le monde du premier épisode et ses habitants, victimes des assauts perpétuelles de ces envahisseurs naïfs pendant cinq ans, ont désormais épousé la dureté d'un décor post-apocalyptique à la "Mad Max". Enfin tous... à part Emmet qui a conservé ses traits de caractère innocents face a une Cool-Tag qui voudrait bien le voir évoluer vers plus de gravité. Lorsque cette dernière et quelques-uns de ses compagnons se font enlever et conduire dans l'univers enfantin de ces aliens pour assister à un étrange mariage, Emmet part à leur rescousse et, en chemin, fait la rencontre de Rex, un aventurier solitaire prêt à l'aider à devenir plus adulte...

Comme on l'a déjà plus ou moins abordé, "La Grande Aventure Lego 2" n'a pas la même folie que son prédécesseur en matière de rendu visuel mais le film recèle tout de même de trouvailles assez géniales en ce domaine, notamment sur la dinguerie absurde du monde imaginé par la petite soeur, et a la bonne idée de s'éloigner de l'espèce de crise d'épilepsie permanente qu'avait représenté "Lego Batman" en levant le pied sur l'accélérateur (le rythme reste toutefois plus que soutenu, c'est une des marques de fabrique des films Lego après tout, on n'a pas le temps de s'y ennuyer).
Par contre, là où cette suite va faire aussi fort que le premier, c'est au niveau de l'humour ! Dans sa profusion continuelle de vannes , "La Grande Aventure Lego 2" fait incontestablement mouche et atteint même très souvent de vrais pics d'hilarité. Entre des ennemis dont l'apparente cruauté est traitée de façon totalement enfantine (mention spéciale au petits coeurs et étoiles à la la voix sirupeuse comme bombes meurtrières), un non-sens constamment mis en relief par les réactions rationnelles des personnages devant des situations toujours plus improbables, des chansons entraînantes aux textes vraiment tordants (l'une d'elles est d'ailleurs littéralement faite pour rester en tête) et un déferlement de vannes référencées où les super-héros DC s'en prennent plus particulièrement plein la tête, le film fait un véritable carton plein niveau comédie et, à vrai dire, comme on était un peu venu là pour surtout bien se marrer devant un truc qu'on imaginait déjà seulement surfer sur le souvenir du premier film, la surprise de la créativité humoristique de l'entreprise n'en est que meilleure et participe complètement au fait que "La Grande Aventure Lego 2" ait emporté notre adhésion.

Efficace, très drôle et dotée d'un propos de fond bien traité dans la continuité métaphorique du premier film, "La Grande Aventure Lego 2" est une suite réjouissante qui réussit à pallier le fait de nager désormais en terrain connu et une réalisation moins emprunte de folie en misant (et en exarcebant parfois) les autres atouts de son modèle. De ce fait, on reste assez perplexe devant la déception que paraît engendrer le film autant vis-à-vis du public que de la presse (peut-être que le fait d'avoir entendu plus de rires d'adultes que d'enfants dans la salle de cinéma là où le premier réunissait les deux est un début d'explication...) car on est plus que prêt à remettre le couvert avec ces Lego délirants en vue d'un troisième épisode.
Sur ce, on vous laisse, il y a le général Zod qui a préparé du guacamole...