Le plaisir de mourir
(Attention, critique susceptible de contenir des spoilers) Marco Ferreri est un réalisateur que j'admire beaucoup, tout autant pour sa détermination à dépasser sans cesse les frontières posées...
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le 29 oct. 2010
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Sorti en 1973, la grande bouffe fait partie de cette longue liste de films ayant marqué les esprits par les incessantes polémique qu’ils ont provoquées. Le festival de Cannes, souvent caricaturé comme une réunion de journalistes et d’artistes bourgeois, a sélectionné le film de Ferreri en compétition officielle, lui donnant plus de visibilité qu’il n’en aurait probablement jamais eu.
La grande bouffe commence en présentant ses quatre personnages principaux, à savoir Marcello, Ugo, Michel et Philippe. Les quatre amis s’apprêtent à partir en week-end et font subtilement leurs adieux à leurs proches, sans que le spectateur ne comprenne vraiment pourquoi. Premier problème, les protagonistes sont définis bien trop rapidement pour qu’on puisse véritablement retenir leurs traits de caractère. Pour un film de plus de deux heures, l’exposition est insuffisante : au bout de dix minutes, les personnages sont déjà dans la demeure où ils vont passer le reste du long-métrage. C’est trop peu, d’autant plus que seul Philippe a une histoire vraiment marquante, ce dernier étant surprotégé par sa nourrice qui abuse sexuellement de lui. De toute façon, développer ses personnages n’est pas la priorité de Ferreri.
En effet, la grande bouffe n’est pas un simple récit où on suit des personnages qu’on apprécie. C’est avant tout une dénonciation de la société bourgeoise, et plus particulièrement de la surconsommation. Les quatre amis souhaitent s’adonner à une orgie culinaire avant de se donner la mort. Pendant deux heures, Ferreri montre ses personnages sombrer dans la décadence. Bien sûr, ils ne font pas que manger : pour rajouter un peu de finesse à la situation, ils invitent trois prostituées, qui céderont à leurs plaisirs les plus nauséabonds. Une autre femme, Andréa, vient rejoindre la fête pour coucher avec tous les protagonistes masculins et manger. Tout est fait pour être grossier, et c’est réussi.
La bande-son se résume à un thème, qui connait quelques variations. Pour les bruitages, il faudra s’habituer à entendre régulièrement des flatulences, les personnages se forçant à manger même quand ils n’ont plus faim. Le film ne cherchant pas à être beau ou agréable, et la photographie ne relève rien de notable.
La grande bouffe, est-il une critique réussie ? A cette question, il est difficile de répondre positivement. Critiquer la société de consommation est une chose courante depuis les années 1960, et Marco Ferreri le fait sans la moindre subtilité. Le réalisateur ne soulève donc pas un nouveau problème, et n’offre pas de véritable réflexion, car tout est exagéré et la caricature ne peut jamais aller loin dans la réflexion. On a donc affaire à une critique inefficace en tout point. En tant que divertissement, pas sûr que le film s’en sorte mieux. Tous ces personnages sont si répugnants qu’il est impossible de s’y attacher. Quand ils meurent, ce n’est ni un moment tragique, ni un soulagement : ce n’est qu’un moment pathétique de plus dans un film qui les enchaîne. On ne rigole pas non plus, l’humour étant principalement lié aux flatulences des personnages. Alors, que reste-t-il de la grande bouffe ? Une provocation à la fois immature et idiote, et donc insignifiante.
Avec la grande bouffe, Ferreri a voulu choquer les bourgeois en réalisant une œuvre ouvertement provocatrice. Si cet objectif est réussi, cela n’en fait pas un bon film. Trop caricatural pour être impactant, trop en retard pour marquer le coup, trop dégoûtant pour y voir un potentiel dramatique ou comique, la grande bouffe échoue sur tous les points. Avec cette abomination cinématographique, Ferreri a le mérite de nous rappeler qu’il est plus facile de se faire remarquer en criant fort plutôt qu’en parlant intelligemment.
A ceux qui trouveront la note trop sévère, je répondrais qu'une proposition aussi radicale entraîne inévitablement des réactions extrêmes. Si je peux parfois trouver bien des qualités esthétiques à des films détestables, ici, seule la photographie est à sauver. Un gag m'a fait sourire, quand un personnage imite Marlon Brando dans Le Parrain à la perfection. Je regrette seulement d'avoir découvert ce film à dix-sept ans : avec six années de moins, son humour m'aurait peut-être plu.
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Créée
le 13 oct. 2019
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