Le plus incroyable dans cette comédie gastronomique loufoque qui baigne dans une lumière diffuse tendant vers le flou (comme nombre de coproductions italiennes des années 70-80), c'est sans doute son réalisateur canadien : Ted Kotcheff, l'homme derrière "Rambo" et "Wake In Fright". Impossible à deviner. Rajoutons au magma international le fait que la production s'est également étalée du côté de la France et des États-Unis, que l'on vagabonde allègrement de Londres à Rome en passant par Paris, et qu'on voit nombre de têtes célèbres du cinéma français de l'époque s'exprimer en anglais. Un humour so british, d'ailleurs, aussi.
Ce qui sauve "La Grande Cuisine" (Who Is Killing the Great Chefs of Europe? en version originale, et parfois sous-titrée "l'art et la manière d'assaisonner les chefs") d'une bête variante de Cluedo ou de trame à la Agatha Christie, c'est précisément cette dimension culinaire qui rajoute une petite couche de grotesque bizarre. Des grands chefs cuisiniers sont assassinés les uns après les autres, et au milieu de l'effervescence traîne une cheffe pâtissière, un suppôt de Satan (le fast food alimenté à l'agriculture intensive et aux poules en batterie), et un critique gastro éminemment outrancier. Le fait que les meurtres sont commis de la manière dont les chefs préparent leurs meilleurs plats importe au final assez peu : on se délecte avant tout de voir Jacqueline Bisset (accompagné d'un George Segal bien insipide Robert Morley) parcourir les cuisines et parfois les lits de Jean-Pierre Cassel, Philippe Noiret, Luigi Proietti et Jean Rochefort (particulièrement étonnant dans le rôle d'un cuistot raté).
Sans être un registre comique qui me parle profondément, ce ton burlesque très décalé navigue à vue entre la screwball et la comédie à l'italienne sans jamais vraiment savoir quel est le cap fixé. L'enquête policière est évidemment reléguée au second plan, et la dimension potache des gags qui jalonnent cette comédie (le coup de l'attentat carné dans un restaurant végétarien offre une résonance supplémentaire vu d'aujourd'hui) font grosso modo passer la pilule.