Vétéran de la Ière Guerre Mondiale, Jean Renoir revient sur cette période à travers ce film réalisé à l'aube de la Seconde. Un projet qui s'est monté notamment grâce à la présence de Jean Gabin, acteur principal aux côtés de Marcel Dalio, Pierre Fresnay et Eric von Stroheim (réalisateur que les fans de Sunset Boulevard connaissent bien).
Réunissant plus de 12 millions d'entrées sur la totalité de son exploitation et ce malgré qu'il soit tronqué de 18 minutes jusqu'en 1958, La grande illusion est vite rattrapé par l'histoire. Le film est interdit en France sous l'Occupation et il en sera de même dans un grand nombre de pays occupés et dans l'Allemagne nazie.
Le côté pacifique revendiqué par le réalisateur serait visiblement en cause. En effet, la guerre n'est pas vraiment présente, les protagonistes étant soit des Français emprisonnés dans des camps allemands (ainsi que des rares anglais), soit leurs geôliers allemands. S'il y a un rapport de force des derniers sur les premiers, il n'y a pas de violence radicale ou si peu dans les camps. A l'image de cette relation de confiance entre les personnages de Von Stroheim et Fresnay, les deux personnages symbolisant la haute autorité de chaque partie, mais aussi l'aristocratie. A la différence des autres soldats ou prisonniers qui sont davantage rattachés au peuple.
Le film change du tout au tout dans une dernière partie plus émouvante qui se présente comme un moment de flottement, avant un dénouement aux dialogues aussi évidents que tristes. Gabin y dit notamment "Faut bien qu'on la finisse c'te putain de guerre ! En espérant que c'est la dernière.". Dalio a vite fait de lui répondre "Tu te fais des illusions...". La réalité lui donnera malheureusement raison...
La grande illusion se présente donc comme un grand film humaniste, avec des geôliers subissant autant que les prisonniers une guerre que tout le monde veut fuir ou voir finir.