L'imperfection, comme le « c’était mieux avant » est à la mode, dans l'air du temps.
Les critiques dithyrambiques de ce film lues sur ce site me paraissent donc aller dans le sens de notre temps, puisqu’on ne trouve d’esthétique que dans ses défauts.
J'ai lu ici ou là qu'un humanisme digne des Lumières y transpirait à grosses gouttes... Qu'on ferait même bien d'en prendre de la graine de nos jours, que la fraternité de classes y est magistrale ! Exemplaire ! Bref, un plaidoyer quasi messianique pour une paix tant espérée à une époque où la SDN (ONU d'hier) venait de déclarer solennellement la guerre illégale, à une époque où on croyait à l'utopie des bons sentiments, où les méchants étaient très méchants et les gentils très gentils comme dans les fables pour enfants, sans nuances.
Le fonds de commerce intemporel du nationalisme.
Renoir nous tend donc un miroir, celui de son époque bercée par ces illusions dignes de conte de fées, et goulument avalées par l'homme de la rue de l’époque puisqu’ils s'y sont rués par millions dans les cinémas. On se croit sauvé en voyant cette belle armée Française respectueuses de vraies valeurs (veuves de guerre éplorées incluses) auxquelles toute la société adhère, mais en fait, on ne fait que creuser sa propre tombe, à l’image d’un Clint Eastwood avec son « American Sniper ».
Ce bel effet d’optique expliquerait-il l’étrangeté du titre ? Renoir aurait-il été visionnaire en parlant de « Grande Illusion » ? J’en doute.
Quelle « beauté » que cette soi-disante communion de classes, née dans l’horreur des tranchées, aussitôt théorisée après-guerre par de jeunes bourgeois catholiques en quête d’identité avec les éphémères Equipes Sociales de Garric, et si bien « glorifiée » par l’économie des dialogues et la bonhomie des personnages, (argument phare des critiques sur ce site).
Mais bon sang, les bons sentiments y sont jetés comme on jette des morceaux de pains aux pigeons et les dialogues sont comme ces mains dont on ne sait que faire seul devant un public!
Re situons simplement les choses, le parlant ne fête que ses 6 ans à la sortie du film, et peu au début des années trente croient encore à son avènement (Voyez « The Artist » avec Jean Dujardin).
Renoir, qui n’est pas Chaplin, n' aura vraisemblablement accepté le parlant que la mort dans l’âme… Car sur le fond, il manque simplement de tout, de poésies, de nuances, de finesses, n’en déplaise à ceux qui s’écoutent écrire ces critiques aveuglément positives.
Chacun le sait, le traité de Versailles était un baril de poudre. Alors osons la question, ne serait-ce pas sur le sable de ces belles valeurs de conte de fées partagées par tous (fachos, bourgeois, prolos comme cocos) qu’il faudrait, aussi, chercher l’allumette ?
Ce film est un livre d’histoire sans autres talents que celui de nous ouvrir les yeux sur ce qu’étaient les années trente, puisqu’il raconte la guerre 14 aux adultes d’hier comme on raconte Cendrillon aux enfants d’aujourd’hui.
Ce film nous rappelle, en creux et là est mon point central, combien l’horreur devient inéluctable quand les nuances les plus élémentaires échappent même aux peuples les plus instruits.
Ce film nous rappelle enfin combien les instincts et préjugés antisémites restaient des réflexes ancrés, même dans la tête des plus gentils (Maréchal vs Rosenthal pendant leur errance).
Ces 3 points me semblent expliquer, tout aussi clairement que le Traité de Versailles, les causes profondes de l’enfer qui suivra.
On dit que l’artiste doit savoir s’extraire de son époque pour mieux l’esquisser, Renoir s'y vautre allègrement, et c’est finalement ça qui rend le film intéressant. rien d'autre!
Je lui mets donc la moyenne.