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Alors en plein succès musical, allant jusqu’à assurer la première partie des Rolling Stones, mais aussi télévisuels, avec des émissions qui cartonnent en termes d’audience, les Charlots sont appelés par Philippe Clair, alors jusque là réalisateur d’un seul film, Déclic et des Claques (1965) qui fût un échec au box-office, qui a envie de les lancer sur le grand écran, voyant tout leur potentiel comique et se disant sans doute qu’il y avait moyen d’engranger quelques francs (oui, vous savez? l’ancêtre des euros… Et encore c’était des anciens francs… bref c’est compliqué mais c’est une histoire de pognon en gros). Grand bien lui en a pris parce que, même si La Grande Java ne leur était pas destiné au départ, ce sont presque 3.5 millions de Français qui se sont rués dans les salles obscures, le plus gros succès du réalisateur rentrant immédiatement dans le Top 10 de l’année 1971. Alors il est certain que, aujourd’hui, ce genre de bobine pourrait sembler un peu désuète, avec son humour franchouillard bien dans son époque, et montrer un tel film à quelqu’un de nos jours pourrait vous décrédibiliser à tout jamais. Mais ça, je m’en fous, et je vous ai déjà parlé de tout l’amour que je porte aux Charlots, leurs films faisant partie de ces bobines ayant bercé mon enfance. Et bien que La Grande Java ne fasse pas partie du Top 3 de la bande, l’amateur ne pourra pas s’empêcher d’avoir le sourire aux lèvres du début à la fin.


Quand on connait la filmographie des Charlots et celle de Philippe Clair, on peut affirmer que La Grande Java n’est ni tout à fait un film des uns, ni un film de l’autre. Philippe Clair n’avait pas encore affirmé son style « unique » qu’il développera quelques années plus tard, et Les Charlots étaient encore à leurs débuts, un peu trop fou-fou, un peu trop en roue libre. Par contre, ce qu’on peut constater, c’est que nous sommes ici quelque part dans un affrontement entre l’ancienne génération comique portée à l’écran par Francis Blanche, et la nouvelle représentée par Les Charlots. Cet affrontement est d’abord synonyme de rivalité, avec un Francis Blanche (Les tontons Flingueurs) qui a fait des crasses aux Charlots et ces derniers qui vont en quelque sorte se venger, avant que tout cela ne vire à la coopération, pour le bien de tous, et en particulier pour le bien du public (ici le village de Grisouille). L’ancienne et la nouvelle génération peuvent cohabiter et on pourrait même quelque part y voir un passage de témoin. De là à dire qu’il cherchait à contenter tous les spectateurs, les vieux et les jeunes, il n’y a qu’un pas. Une chose est sûre, que c’est que La Grande Java a permis aux Charlots de s’assoir au box-office. Ils ont en effet rencontré sur le tournage un certain Claude Zidi, directeur photo et scénariste sous pseudo sur le film de Philippe Clair, et Les Charlots ont quelque part lancé la carrière de Zidi puisque ses 4 premiers films, Les Bidasses en Folie, Les Fous du Stade, Le Grand Bazar et Les Bidasses s’en Vont en Guerre, sont des collaborations avec Les Charlots et qu’ils ont tous été des gros cartons au box-office. Mais avec tout ça, qu’en est-il réellement de La Grande Java qui s’amuse à aussi bien égratigner la politique que le milieu du rugby ? Parce que faire des Charlots et leur silhouette longiligne, pour ne pas dire squelettique, des rugbymen accomplis, déjà, il fallait oser, mais saupoudrer le tout d’un petit discours politique, il faut avouer que ça reste malgré tout assez osé.


Je vous rassure tout de suite, la politique n’est là qu’en toile de fond, une histoire d’élection de maire d’un tout petit village qui ne sera là au final que pour amener quelques gags lors de collage nocturne d’affiches. Certes, il y a un demi-message sur la corruption, mais ce n’est au final qu’effleuré car ici, place à une avalanche de gags à un rythme complètement frénétique. « Frénétique », c’est vraiment ce qui caractérise La Grande Java. Outre les acteurs en totale roue libre, à commencer par un Francis Blanche absolument génial dans l’over the top et un Philippe Clair assez fendard en curé à l’accent pied noir, les Charlots s’en donnent à cœur joie dans le n’importe quoi, aussi bien dans les répliques bon enfants et souvent très bêtes, que dans le slapstick lors des bagarres ou des moments gaudriole. Tout n’est pas bon, loin de là, avec des gags qui tombent clairement à plat ou d’autres qui vont juste faire sourire. Mais pour qui est un minimum nostalgique de cette époque révolue où on osait tout et surtout n’importe quoi en mode « plus c’est gros, mieux c’est », c’est souvent assez savoureux. Comme ce n’était pas suffisant, on a parfois l’impression d’être devant un épisode de Benny Hill, avec des courses poursuites ou des bagarres accélérées et même des petites tapes sur la tête comme le célèbre comique anglais en avait le secret. Et puis il y a les 20 dernières minutes, le match de rugby évoqué plus haut, où ce sport en prend pour son grade, où les règles sont sans cesse bafouées pour l’amour de la blague, où chaque plan est digne d’un gag de Tex Avery, un moment virant tellement dans le grand n’importe quoi que ça en devient jouissif. Alors non, ce n’est pas du grand art et à aucun moment ça ne cherche à l’être, mais oui, La Grande Java est réalisée et jouée par des grands enfants et plaira aujourd’hui à des vieux enfants qui l’ont découvert quand ils étaient de jeunes enfants. On pourra dire ce qu’on veut de la nostalgie, mais parfois elle fait passer un bon moment.


Pas complètement un vrai film de Philippe Clair, pas encore un vrai film des Charlots, La Grande Java est pourtant un divertissement ultra régressif pour quiconque a découvert ce film dans sa tendre enfance et a envie d’y replonger. C’est con mais c’est bon !


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-la-grande-java-de-philippe-clair-1971/

cherycok
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le 5 déc. 2024

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