Jean-Pierre Mocky n’a pas son pareil pour mettre en scène la vitesse d’une collection de quiproquos qui tendent à s’entremêler jusqu’à révéler la grande mascarade en toute chose. Avec La Grande Lessive(!), il atteint un point de non-retour et de non-sens où s’enchaînent les rencontres incongrues dans un couloir d’immeuble, où les policiers d’aujourd’hui deviennent les ramoneurs de demain, où l’Agrégé de Lettres se transforme en héraut d’une vaste coalition – elle compte trois acolytes, pas un de moins ! – menée à l’encontre de la télévision, preuve que le cinéma de Mocky a toujours su saisir dans la culture dont il est le contemporain les enjeux à venir.


Car le film est d’une étonnante modernité à l’heure où les campagnes de prévention à l’égard des nouvelles technologies se développent dans les établissements scolaires ; or, si le cinéaste pense la démarche de ses personnages principaux comme la fresque satirique d’un milieu bien-pensant dont la révolte renvoie, comme dans un miroir, le ridicule des autres milieux, elle lui permet surtout de revisiter le vaudeville par le prisme d’une énergie burlesque réjouissante. Voir le professeur Armand Saint Just grimper sur les toits de Paris à la recherche d’antennes à brouiller produit des images insolites et donc précieuses, de même que la tenue excentrique de Francis Blanche en jupe orange provoque l’hilarité.


Le film se change peu à peu en un album de bande-dessinée, et chaque scène y composerait une page de vignettes : l’appartement, le toit, l’école, l’église, la rue, le musée apparaissent comme des lieux topiques dans lesquels s’agitent des personnages typiques. Les groupes sont associés à une musique particulière, ce qui produit un comique de répétition et facilite l’immersion du spectateur au sein d’un microcosme déjanté pas si loin de la veine grotesque du cinéma de Bruno Dumont. S’il n’est pas exempt de défauts, La Grande Lessive (!) a le mérite de se construire sur un long crescendo rythmique qui entraîne ses protagonistes dans des péripéties amusantes, et de laisser Bourvil exprimer l’étendue de sa palette de comédien.

Créée

le 23 déc. 2019

Critique lue 513 fois

5 j'aime

4 commentaires

Critique lue 513 fois

5
4

D'autres avis sur La Grande Lessive (!)

La Grande Lessive (!)
Ugly
6

En guerre contre la télé

Troisième des 4 films que Mocky tournera avec Bourvil (après l'excellent Un drôle de paroissien, l'étrange la Grande frousse et avant l'inégal L'Etalon), c'est une pochade homérique bien dans son...

Par

le 19 juil. 2018

15 j'aime

3

La Grande Lessive (!)
JeanG55
7

Marinella, reste encore dans mes bras

"La Grande lessive (!)" est un film réalisé par Jean-Pierre Mocky fin 1968 avec un tournage en avril 1968. Ce film fait partie de ce que j'appelle la première partie de la carrière de Mocky, celle...

le 7 mars 2022

12 j'aime

18

La Grande Lessive (!)
AMCHI
5

Critique de La Grande Lessive (!) par AMCHI

Un Mocky avec Bourvil ça ne se refuse pas pourtant on ne peut pas dire que La Grande Lessive soit d'une grande réussite malgré un ton cocasse bien présent et un brin provocateur (surtout à l'époque)...

le 12 févr. 2016

7 j'aime

2

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14