Naïf, mais (très) heureux !

La Grande magie est une œuvre mignonne (on ne peut le décrire autrement), à toujours vouloir être le troubadour ringard dans une société qui a perdu son âme de poète. Pour notre part, on a été très peu amateur de cette poésie de l'enchantement passant par une dose immense de naïveté (comment croire que les personnages sont si dupes, se laissent berner si fortement par un petit bon mot...), on n'y a jamais cru. On s'est également buté à un casting qui ne fera pas carrière dans la chanson (on le dit poliment), heureusement que les passages chantés s'oublient instantanément (surtout celle du cerf... sans regret). Mais, puisqu'il y a un copieux "Mais !", la bonne humeur est de la partie avec un humour bon-enfant et toujours étonnant (des jeux de mots lancés du tac-o-tac), l'ambiance des spectacles d'antan est soignée, avec les tours de magie ambulants qui dérapent, avec des personnages attachants (bien qu'on n'y a jamais cru) grâce aux acteurs qui, eux, y croient à fond. Les scènes d'entourloupes entre Sergi Lopez (le magicien de pacotilles qui tente de dissimuler son tour raté) et Denis Podalydès (la victime du tour) sont celles où l'on touche du doigt les plus beaux jeux d'acteurs de théâtre, emportés par leurs phrasés, dont on boit les dialogues sans même s'arrêter sur le sens des mots. Et c'est un peu ce que vous demande Noémie Lvovsky pour apprécier ce charmant La Grande magie : de ne pas vous arrêter à l'aspect sérieux (ne cherchez pas une comédie musicale léchée et au scénario solide), mais de vous laisser porter par ce casting si investi et cette douceur de vivre qui nous a fait passer un bon moment, malgré tout. Noémie met au fond de son haut-de-forme noir une comédie musicale naïve et maladroite, mais tapote de son âme poète sur le rebord, et en ressort un film amusant et sincère, au bonheur contagieux. Là est le vrai tour de magie.