La Grande Sauterelle par Alligator
Ca faisait belle lurette que je n'avais pas vu un film de Lautner. Et c'est à ma compagne que je dois cette redécouverte. Délicate attention de sa part, je te fais un smack baveux, mon amour.
Malheureusement, le plaisir n'est pas très intense. Je parle du film, pas du smack voyons! La grande sauterelle est un film charmant, mais plombé par un scénario trop frêle et une mise en scène et en image somme toute ordinaire malgré tous les efforts entrepris par Lautner pour donner à son film des airs de modernité et de jeunesse. Comme dans Ne nous fachons pas, mais sans la même réussite, Lautner saupoudre son récit de scènes musicales, pop-rock, présentant la jeunesse de l'époque dans ses flasques occupations, à fumer, danser, flirtouiller, boire, roupiller, bref les incontournables poncifs sur l'activité hippie, selon la vieille garde. Dans Ne nous fachons pas, la décoration sonore et visuelle donnait un décalage brillant et allumé, ici ça n'a pas du tout le même impact. Peut-être parce que Mireille Darc se trouve entre deux mondes, celui des hippies et celui d'Audiard et Lautner. Je ne sais pas. C'est difficile d'analyser cela. D'autant que le personnage de la grande sauterelle n'est pas dénué de charme. Non, non, pas sexuel, ce n'est pas du tout mon type de femme. Ca me donne l'occasion d'évoquer une actrice sans faire appel à son appeal, sans laisser parler mes ébullitions internes. C'est plutôt ce secret mélange qu'elle distille doucement sur certains plans entre la femme assumée, libre, moderne, forte et belle et puis, celle qui arbore un joli sourire, des regards timides, ceux de la femme enfant, avec ses tâches de rousseur plein la frimousse, une femme fragile. Cette dualité est éminement sympathique et l'on est comme déçu par le manque de passion qu'y met Krüger pour poser le genou devant cette jolie femme. Krüger est très bien en officier allemand, la mâchoire serrée et le regard glacé, mais en latin lover, il y a comme un défaut. Son sourire est enfantin, manquant de virilité et de charisme. Il ne se fond pas facilement dans le décor de ce Baalbeck, dans ce Liban ensoleillé et aride, dans cette histoire d'amour balbutiante. Le duo Darc-Krüger ne fonctionne pas. Lautner s'échine à nous les présenter sous toutes les coutures, dans de jolies séquences, dans des cadrages recherchés, en vain car la magie n'opère pas sérieusement. De beaux paysages, de beaux plans, de beaux acteurs ne font pas un beau film. Point d'alchimie.
Quelques scènes font saliver mais ne vont pas jusqu'au bout. Celle de l'introduction par exemple, du Audiard tout craché, est une belle promesse. "Tu veux que j'te dise : t'es con, non, tiens même pas, t'es bête. Ca se trouve t'as pas de cerveau!" Ca croustille. Même dans la bouche de George Géret, avec son débit un peu trainard pour le texte d'Audiard. Mais sur la longueur, ça ne tient pas la route. On aurait pu par exemple imaginer bien plus excitant que ces quelques envolées lyriques, trop courtes, mal disposées dans le récit, de Francis Blanche en vieux négociant nostalgique. Envolées décevantes poru tout dire. La nostalgie chez Audiard, c'est quand même quelque chose de magique. Je repense aussitôt à la fièvre verbeuse de Guiomar dans L'incorrigible ou le regard perdu de Blier et Ventura dans la scène de la cuisine à l'évocation de l'Indochine.
Je ne néglige pas cependant le toujours agréable moment passé en compagnie des comédiens du cinéma français qui ont forgé ma cinéphagie juvénile : Georges Géret, Venantino Venantini, Maurice Biraud, etc.
Finalement, cette grande sauterelle est un petit film, un peu plat, qui se laisse regarder sans grande palpitation, ni grand déplaisir.