En regardant "La grande vadrouille" aujourd'hui, on a l'impression d'avoir déjà vu mille fois ce genre d'humour. C'est normal, tout le monde a tenté d'imiter les ressorts de ce film. Il convient de rendre à Gérard Oury et sa paire d'acteurs phénomènes la primauté de cet humour.
La scène des bains turcs est à mettre au panthéon du cinéma, tant par ses dialogues qui se limitent presque aux paroles de "Tea for two", que par le jeu des acteurs et par la mise en scène dans ce brouillard d'où les personnages émergent et replongent.
Les dialogues hilarants ne se limitent pas à cette scène. Je me souviens de cette bonne soeur autoritaire qui ausculte ses patients: "Langue blanche, oeil jaune, nez rouge: c'est le foie! Vous aimez ce qui est bon? C'est très mauvais!"
Et cet anglais qui lâche ce cri du coeur: "Vive Napoléon!" en s'envoyant une rasade de cognac.
Les deux acteurs jouent sur une complicité et des tempéraments opposés avec une inventivité et une vérité étonnante dans l'absurde. La scène culte où De Funes monte sur les épaules de Bourvil aurait été entièrement improvisée par les deux acteurs d'où cet incroyable naturel dans l'invraisemblance.
Terry-Thomas n'est pas en reste.
La réalisation de Gérard Oury structure le délire en partant dans tous les sens. C'est très étonnant. Les scènes à l'Opéra sont rigoureusement orchestrées sur un schéma complètement déstructuré.
Une comédie qui n'a de classique que son âge et le fait d'avoir inspiré des générations de cinéastes.