Au cours de cette année 1942, malgré l'occupation allemande, tout ne va pas si mal pour Augustin et Stanislas. Le premier est un brave peintre en bâtiment qui prend la vie comme elle vient et le second est le chef tyrannique de l'orchestre de l'Opéra de Paris. Pourtant leur vie va basculer d'un coup lorsque, d'un avion touché par la DCA, s'éjectent trois parachutistes anglais. Le premier atterrit dans le bassin des phoques du zoo de Vincennes et doit sa vie au gardien de l'endroit, le second sur la Kommandantur là où Augustin est en train de repeindre la façade et le troisième sur le toit de l'Opéra au moment où Stanislas fignole une dernière répétition. Bien entendu le sort a choisi nos deux compères pour se trouver par un mauvais hasard sur la route des deux autres aviateurs. Augustin et Stanislas vont ainsi être très vite soupçonnés par l'ennemi de cacher les parachutistes. Le point de ralliement de ceux-ci étant fixé aux bains turcs, le chef d'orchestre et le peintre vont faire connaissance et vont être obligés de tenter de fuir en zone libre afin d'échapper aux foudres de l'occupant. Pour cela ils trouveront la complicité de Ginette, la marionnettiste du Guignol des Champs Elysées mais cela ne suffira pas à leur éviter une cascade d'aventures plus périlleuses les unes que les autres...
Voici comment, en cette période trouble et difficile, deux hommes différents en tout point et qui géraient tant bien que mal leur petite vie quotidienne vont se retrouver unis pour le meilleur et pour le pire. Cette union forcée ne peut se passer sans heurts, surtout lorsque les circonstances se prêtent à des rapports conflictuels. Augustin est un être modeste et simple prenant la vie du bon côté. Sa petite entreprise de peinture tourne bien surtout qu'il ne se soucie pas pour quel camp il travaille. Stanislas est un personnage impliqué à fond dans son métier de musicien, il est imbu de sa personne et se fiche de ses "subalternes". Il se croit intouchable en faisant profiter son entourage de ses colères et de ses caprices, et pourtant, il faudra malgré tout se supporter et faire un grand effort pour rester solidaire l'un de l'autre. Malgré tous les avatars qui leur tombent sur la tête, les deux personnalités ne changent pas. Stanislas reste le privilégié, le chef, et pas forcément le plus brave et Augustin le souffre douleur de son compagnon d'infortune. Bien sûr dans ce genre d'aventure à la française, sous couvert de la dernière guerre mondiale, si nous n'avons ni les armes ni la carrure, nous sommes les plus rusés. Et de ce côté là Augustin et Stanislas ne manquent de rien, bien au contraire! Il vont nous faire vivre, au travers de leur "odyssée" vers la zone libre, des tonnes de péripéties plus hilarantes les unes que les autres. La chance et les concours de circonstances seront leurs principaux alliés et leurs maladresses notoires seront systématiquement gommées par la balourdise des soldats ennemis. Ils deviendront même bien involontairement des héros auxquels les trois aviateurs anglais devront une reconnaissance éternelle.
Beaucoup de lecteurs se demanderont pourquoi revenir sur ce film que la plupart de nous avons au moins vu une fois dans notre vie. Et bien pour deux raisons: la première pour remercier une fois de plus Gérard Oury de nous avoir concocté une oeuvre aussi hilarante qui restera gravée dans toutes les mémoires des petits comme des grands. En effet je ne vais pas énumérer la cascade de gags qui s'abat sur le spectateur allant de la scène du bain turc au changement de chaussures entre les deux "fugitifs" en passant par celle de la confusion des chambres provoquant pour Stanislas une nuit des plus agitées. Ce film est conçu pour faire rire de bout en bout sur un sujet maintes fois traité dans le cadre du cinéma français de manière très conventionnelle et plutôt balourde. Il faut bien reconnaître sans hésiter que celui-ci surclasse tous les autres du genre telle la série lourdingue de la "Septième compagnie" et consorts. Les interprétations de Bourvil et Louis de Funès sont absolument remarquables dans des personnages faisant partie de leur registre habituel mais au combien inoubliables. Et puis quelle joie de retrouver des actrices telles que Marie Dubois, la marionnettiste, Andréa Parisy en religieuse ou Colette Brosset. Et puis il y a nos trois anglais qui reviennent de très loin, incarnés par les flegmatiques Claudio Brook, Terry Thomas et Mike Marshall. La mise en scène est bien sûr fulgurante car nous étions dans la période la plus remarquable de Gérard Oury qui bénéficiait de la collaboration d'acteurs incomparables et qui marquaient un film de leur sceau. J'attache beaucoup d'importance à la musique de film et je dois dire que pour celui-ci Georges Auric fit preuve de beaucoup de talent comme toujours.
La deuxième raison pour laquelle je tiens à parler de ce film vient tout simplement du snobisme de certains critiques de cinéma au ton docte et hautain qui n'ont cessé de dénigrer Louis de Funès durant une bonne partie de sa carrière. Il suffisait d'écouter ou de lire le flot de méchanceté et de bêtises débité lors de certains commentaires radiophoniques ou journalistiques de l'époque pour se rendre compte du décalage existant entre ces intellectuels de broussaille et le public. Le pire est que depuis sa mort certains d'entre-eux louent ses prestations et reconnaissent qu'il s'agissait d'un acteur de génie. Bien sûr tous les films qu'il tourna ne furent pas des chef-d'oeuvre mais Louis de Funès comme Bourvil ou quelques autres avaient le privilège que faire se déplacer le public rien que pour eux et tout le monde était heureux d'avoir pu rire aux éclats. Que mesdames et messieurs les critiques coupeurs de cheveux en quatre réalisent enfin que le cinéma est aussi un divertissement et que faire rire n'est pas un art mineur, c'est le plus difficile.
En tout cas encore merci à Gérard Oury, à Louis de Funès,à Bourvil et à leurs collègues de réussir à nous prendre à leur piège à chaque diffusion de cette "Grande vadrouille". Quant à ceux qui trouvent ridicule un film de divertissement tel que celui-ci, eh bien! qu'ils continuent à enthousiasmer avec leurs articles cassants, leurs tirades et leurs diatribes leurs quelques "cinéphiles avertis" adeptes QUE du cinéma intellectuel... comme ils disent.