Depuis la nuit des temps, les jeunes de Velrans et Longeverne s’affrontent au lance-pierre et au bâton, sous les regards bienveillants et revanchards des pères, fiers de retrouver dans leurs fils l’agressivité perdue de leur enfance. En 1912, le roman de l’instituteur Louis Pergaud, anticlérical et antimilitariste, se voulait une dénonciation de la bêtise guerrière des adultes... C’est toujours aux parents qu’Yves Robert s’adresse, en 1962, leur offrant une plongée, moins engagée mais régressive, dans leur enfance perdue.
Si Lebrac ne brille pas en classe, le chef des gars de Velrans possède un esprit pratique et innovant. Ils arracheront les boutons et les lacets de leurs adversaires. Au comique de la situation, s’ajoute la promesse de la raclée paternelle. Les Longeverne répliquent, les Velrans se battront désormais nus ! Bel exemple de rivalité mimétique, le conflit se durcit.
Yves Robert fait revivre une campagne disparue. Celle des années 40, de la traction animale et des premiers tracteurs, du petit coup de calva et de la cloche du matin, de l’encre violette et de la plume sergent-major, du crissement de la craie et de la blouse grise et usée du maître d’école. Il nous offre une remarquable brochette de bouilles enfantines au jeu naturel et truculent. Pour autant, sans aller aussi loin que Sa Majesté des mouches de William Golding, le scénario n’idéalise pas l’enfance, n’éludant ni sa cruauté, ni sa joie à jouer à la guerre... alors mêmes que leurs aînés sortent de deux guerres mondiales. Les pères ne sont guère brillants, ils picolent dur et battent leurs rejetons avec application. Seul l’instituteur, l’excellent Pierre Trabaud, tente de tempérer ses gamins. Les plus anciens apprécieront les jeunes Jacques Dufilho, Jean Richard (le Maigret de la première série) et Michel Galabru.
Le propos reste mince et les personnages juste esquissés. L’unique fille du village soigne et recoud les fameux boutons... Autre temps... Les jeunes filles d’aujourd’hui ont obtenu le droit de se battre comme les gars !