Il y a bien longtemps, dans une industrie cinématographique lointaine, très lointaine, un passionné de SF du nom de Georges Lucas aimerait réinventer le genre et porter à l’écran un grand film d’aventure dans un contexte spatial. Les planètes semblent s’aligner pour cela alors que Hollywood est un terreau d’expérimentations en tout genre et que le succès de son précédent film American Graffiti lui permet d’élever ses ambitions cinématographiques en ayant acquis davantage de crédibilité aux yeux de producteurs qui pourraient rechigner à croire en un tel projet.
Fondateur de la saga Star Wars, un nouvel espoir est arrivé avec bien des difficultés sur grand écran, scepticisme de l’équipe de tournage et des acteurs sur les qualités du film, dépassements de budget vu l’ambition des effets spéciaux pour l’époque, contexte assez peu favorable à la science-fiction comme gage de succès... mais pour finalement initier l’une des plus grandes sagas du cinéma, l’une de mes sagas préférées tout média confondu d’ailleurs. Essayons de voir pourquoi et si ce film posait déjà tout ce qui fait que j’adore la saga plus généralement.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★★☆
Le texte d’introduction emblématique donne tout de suite le ton avec une présentation de l’univers succincte et manichéenne mais donc claire et abordable pour une entrée en matière en pleine action. Nous sommes clairement en face d’un film de science-fiction empruntant des codes à bien d’autres genres tels que le film d’aventure, la fresque mythologique... avec des scènes d’action explosives, des éléments comiques à foison, un antagonisme clairement défini, un mentor bienveillant pour lancer un jeune héros en quête d’aventures... Georges Lucas a créé un blockbuster en puissance en popularisant des codes qu’il a parfaitement su se réapproprier dans un univers original, avec une ambiance optimiste et en suivant un rythme parfaitement maîtrisé.
Pour introduire tout un univers de science-fiction au cinéma, je ne vois absolument pas où est le mal là-dedans, d’autant que la trilogie originale commencée par ce nouvel espoir gagnera en maturité, en profondeur... par la suite dès L’empire contre-attaque. Ainsi, si on se focalise sur le personnage de Luke, suivre le récit de la perspective d’un jeune homme qui rêve d’aventure et qui a encore tout à apprendre et à explorer permet une entrée dans l’univers à la hauteur du spectateur qui se retrouve dans la même position et le même état d’esprit que le protagoniste.
Le film se permet par ailleurs d’être assez violent à l’occasion, des cadavres carbonisés de personnages attachants, le droïde manifestement de torture se dirigeant lentement vers l’héroïne principale, la destruction totale d’une planète habitée par des milliards d’individus... Mais c’est justement là, et là seulement, que je trouve que le film ne va pas tout à fait assez loin à mon goût. Non pas d’un point de vue visuel, mais j’aurai préféré une plus longue phase pour humaniser la famille de Luke, un passage à Alderaan avec Bail Organa qui s’inquiéterait pour Leïa... de façon à rendre les événements cités plus tôt encore plus dramatiques du fait de la disparition de personnages auxquels on aurait eu le temps de s’attacher.
Les personnages et leurs interactions font néanmoins partie des plus grandes forces du film, Luke est à ce stade encore très classique, caractérisé surtout par son courage et ses nobles intentions mais aussi régulièrement renvoyé à son manque d’expérience, se faisant battre par les hommes des sables, un droïde d’entraînement... parce que c’est surtout dans les suites qu’il gagnera en importance et en charisme. Quant à Han solo, cool au possible avec son Faucon Millenium plus rapide que tout, son blaster avec lequel il tire plus vite que Greedo (ou pas)... il fait un très bon personnage immédiatement à la manière d’Indiana Jones pour un Harrison Ford ultra à l’aise dans ce registre décontracté, quasiment protagoniste ici afin de compenser l’inexpérience de Luke.
Et il y a aussi le doublage VF que je trouve très réussi, notamment Francis Lax pour Harrison Ford. À côté des ces deux protagonistes, évidemment il ne fait pas oublier Leïa qui est un personnage féminin très classique et peu intéressant d’apparence avec son rôle de princesse en détresse mais elle se révélera être bien plus que ça, n’hésitant pas à prendre une arme pour se défendre, résistant à la torture pour ne pas donner d’informations utiles, intelligente en comprenant seule une situation... C’est vraiment très appréciable pour un blockbuster de ces années-là, même important j’ai envie de dire pour ne pas trop relancer une mode d’un personnage féminin nécessairement passif.
Pour l’anecdote, c’est ce rôle qui permettra à Carrie Fisher d’obtenir une certaine crédibilité quand à incarner des personnages féminins forts ou tout du moins à comprendre ce qui les rend ainsi, élément qui aurait été décisif lors de son audition. Elle sera donc assez souvent au cours de sa carrière consultée pour l’écriture de tels personnages dans bon nombre de films en tant que script doctor, c’est-à-dire chargé de peaufiner un scénario déjà écrit. À titre personnel, j’aime y voir une preuve éloquente de la qualité du personnage de Leïa, le rôle emblématique de l’actrice.
C-3PO et R2-D2 forment un duo vraiment sympathique et original pour apporter de l’humour au récit tout en exploitant le potentiel de l’univers de science-fiction entre celui qui parle beaucoup et celui qui ne s’exprime que par bruitages, la logique est la même pour Han Solo et Chewbacca. Ils sont devenus mythiques très rapidement et la qualité d’écriture de leurs répliques mêlées aux façons de communiquer amusantes en sont pour moi l’une des raisons premières. Dans un film qui vise autant le grand public avec un divertissement, ce n’est absolument pas négligeable de réussir cette partie-là.
De l’autre côté cette fois-ci, Darth Vader fait déjà son apparition de façon magistrale, son costume, sa voix, ses ordres incisifs... font de lui un antagoniste de première ordre et si on peut lui reprocher d’être un peu simple dans son traitement pour ce film-ci, ça s’enrichira bien entendu par la suite. Tarkin n’est pas à négliger non plus comme antagoniste de cet épisode, ce vieil officier impitoyable mais également un peu trop orgueilleux fait également très bien le travail. Plus généralement, on retrouve dans ces personnages les archétypes qui caractérisent toutes les grandes factions en place : les impériaux disciplinés et impitoyables, les rebelles bienveillants et courageux, les contrebandiers dangereux et indépendants...
A l’image de la force dont on comprend l’existence et dont on entrevoit l’impact potentiel sans que ce ne soit très développé à ce moment-là, le récit d’un nouvel espoir capte efficacement l’attention tout en s’en gardant encore beaucoup sous le pied pour ses suites. L’univers présenté ne l’est ici que succinctement, c’est normal vu l’ambition du film, ses ressources temporelles et monétaires limitées... mais c’est le cas d’école d’une introduction à un univers et ça appelle simplement à être développé davantage par la suite. Et si le film avait été un flop et qu’aucune suite n’aurait vu le jour, le récit a tout de même le mérite de terminer sa première intrigue avec une première fin satisfaisante et dans le ton du récit. C’est une maitrise quasi-absolue à ce sujet qui n’a aucun mal à passer l’épreuve du temps, mais ça ne peut être aussi vrai dans la forme.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆
Les ambitions de Georges Lucas a présenté un film de grand spectacle placent la réalisation et l’esthétisme au centre des attentions, allant jusqu’à fonder une toute nouvelle société d'effets spéciaux, Industrial Light & Magic, pour obtenir un rendu encore jamais vu. Néanmoins, si Star Wars peut compter dès cet épisode sur beaucoup de qualités qui constituent l’essentiel de la proposition, il y a aussi des défauts et des limites qui ne s’expliquent pas seulement par les limites techniques de l’époque ou les limites budgétaires de la production. Certaines scènes d’action font l’objet d’une mise en scène encore brouillonne pour la saga, notamment les duels au sabre laser et les fusillades.
C’est le principal point noir de la réalisation à mes yeux. D’une part, le duel au sabre entre Obi-Wan et Dark Vador est terriblement mou du genou et même à l’époque on aurait pu s’attendre à une mise en scène beaucoup plus dynamique et une chorégraphie plus élaborée, comme on pouvait le voir dans les plus grands films de sabre des années précédentes. D’autre part, les fusillades avec les StormTroopers sont plutôt ridicules avec des formations de combat complètement désordonnées et une précision de tir parfaitement risible, ce qui peut aller jusqu’à écorner quelques peu la cohérence de l’univers.
En revanche, les batailles spatiales sont très impressionnantes et ont très bien passé l’épreuve du temps, notamment la destruction de l’étoile de la mort qui garde son rythme, son montage, ses bruitages, sa musique... particulièrement efficaces. J’irais même jusqu’à dire que je trouve cette séquence supérieure à certaines autres scènes qu’elle aura (fortement) inspiré, à commencer par son remake officieux dans Star Wars VII Le Réveil de la force 40 ans plus tard, ce qui témoigne bien des qualités de cette séquence finale.
Et puis par delà les scènes d’action, il ne faut oublier tout ce qui relève des costumes, des décors... Les chasseurs TIE et les X-Wing sont déjà là et leur design singulier, les sons qui les caractérisent... forment un esthétisme unique qui marque bien. Les inspirations artistiques sont très diversifiées avec les tenues de personnage comme celle de Darth Vader empruntant son casque aux samouraïs alors que La forteresse cachée a fortement inspiré le récit du film, avec les designs des machines comme C-3PO qui reprend celui de Maria dans le classique de science-fiction Metropolis, avec les environnements comme le choix du désert comme première planète avec des plans très inspirés du western La prisonnière du désert de John Ford…
La science-fiction permet d’introduire plein de personnages au design original avec les jawas, Chewbacca le wookie, Greedo le rodien... pour maximiser le sentiment de dépaysement au sein d’un univers original aux mille et une facettes. Je regrette tout de même un peu que les rôles principaux soient majoritairement humains mais je comprends aussi ce choix plus facile si on peut dire, surtout dans un contexte où la science-fiction a encore a prouvé sa rentabilité auprès d’un grand public peu habitué à suivre des protagonistes dans des costumes sur tout un film.
Les musiques composées par John Williams que j’ai pu évoquer ici et là sont bien évidemment une autre réussite mémorable du film et beaucoup des meilleurs thèmes de la saga en reprendront des mélodies bien identifiables qui seront toujours synonymes de frisson à l’écoute en ce qui me concerne. Il en va de même pour les effets sonores que j’ai pu évoquer ici et là, rien à redire également là-dessus. Mes réserves portaient bien davantage sur les défauts de mise en scène qui fixe malheureusement la principale limite à mon appréciation du film, ce qui ne m’empêchera pas d’être élogieux sur l’ensemble.
CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆
Avec seulement deux long-métrages à son actif, Georges Lucas s’est lancé avec La guerre des étoiles dans un projet qui deviendra l’un des plus gros phénomènes culturels de ces dernières décennies, le talent et le courage dont il a fait preuve pour y parvenir avec ce Nouvel espoir forcent mon respect. Si ce film Star Wars n’est pas mon préféré, je le considère surtout comme une excellente introduction à la saga en raison de ses excellents choix scénaristiques, ce qu’il devait précisément être en priorité. C’est un film très réussi donc en plus d’être un tournant majeur dans l’histoire du cinéma Hollywoodien quasiment à lui tout seul.