Pour sa première incursion dans le néo-polar italien, Umberto Lenzi semble immédiatement dans son jardin. Impression qui se confirmera rapidement puisqu’il deviendra une des figures majeures du genre. Mais contrairement aux titres les plus iconiques, ce premier effort marque par son refus de la démesure. Habitué des films coup de poing où l’action prime sur le récit, il livre ici une œuvre plus nuancée davantage inspirée du film noir américain. Ce qui frappe ainsi rapidement, dès qu’on s’éloigne des trois figures majeures qui tirent le récit, c’est l’aspect documentaire de l’ensemble avec de nombreuses scènes dans les bas-fonds nocturnes de Milan. La description des milieux de la prostitution et de la drogue est franchement pertinente, et pas aussi complaisante qu’elle peut l’être parfois. Indice supplémentaire de cette ambiance noire à l’Américaine avec une partition musicale éloignée des standards habituels pour une musique plus mélancolique avec saxo et rythme languissant qui accompagne la personnalisation de Milan et le destin forcément tragique de ses personnages.


Des personnages qui font écho aux figures du film noir avec trois hommes comme autant de crapules, jouissant de peu de sympathie de la part du réalisateur qui ne cesse de mettre en avant les tares de ces derniers. Au cœur de leur caractérisation, la dimension phallique et bas du front qu’on ne cessera de tenter d’émasculer tout au long de l’histoire. D’une représentation réelle de l’émasculation lors d’une scène de torture qui n’a rien de gratuite à une représentation symbolique de celle-ci avec la révélation de l’homosexualité de l’un et de la trahison par une femme de l’autre, les mâles ne sont pas à la noce. L’occasion de retrouver, bien évidemment, cette figure incontournable du film noir, à savoir celle de la femme fatale, figure plutôt rare dans le polar italien qui vient ici rappeler sa filiation avec le cinéma américain, et celui de Raoul Walsh, notamment, dont Umberto Lenzi était un inconditionnel. Pour l’incarner, Marisa Mell s’invite ainsi dans le haut de la distribution, fait assez rare en Italie où les femmes jouent davantage les utilités et les objets du désir. Elle incarne ici un parfait trait d’union entre la mère du personnage principal et les femmes qu’il exploite par son réseau de prostitution. C’est plutôt bien vu.


Pas réputé pour être le plus politique des réalisateurs transalpins de l’époque, Umberto Lenzi a pourtant la bonne idée de se servir de son histoire pour évoquer de façon symbolique la situation géopolitique. Du personnage italien obligé de se débrouiller par ses propres moyens (même les plus illégaux) pour sortir de la pauvreté au personnage américain qui tire les marrons du feu comme c’était le cas avec le réseau Glaudio, les clins d’œil sont nombreux. De la même façon que cette parabole de la Guerre Froide à travers les deux personnages principaux qui s’affrontent par ricochet mais jamais frontalement. Enfin, reprenons aussi cette image de l’Italien qui est surpassé par le Français qui introduit de la drogue et par l’Américain qui peut incarner, contrairement à ses deux homologues, un véritable crime organisé. Caricatural, certes, mais tout à fait représentatif de l’époque. Si on y ajoute une interprétation plutôt avantageuse (même si Philippe Leroy est bien plus convaincant qu’Antonio Sabato) et un rythme soutenu mais pas trop trépidant, on obtient un titre sympathique qui manque, certes, de personnalité mais qui vise globalement juste.

6,5

Play-It-Again-Seb
6

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le 30 oct. 2024

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