Pialat décompose l’agonie invisible d’une mère et d’une femme en brossant surtout le portrait de son fils (Philippe Léotard) entouré de sa petite-amie (Nathalie Baye) et de son père (Hubert Deschamps) dont la réputation de « vieux cochon » le précède.
En plus d’une auscultation toujours aussi convaincante de ses personnages en plein drame, Pialat nous offre de nombreux plans magnifiquement simples. Comme par exemple celui sur le corps dénudé de la mère, dont la tête est « tranchée » dans le cadre par une table de chevet. Juste avant ce plan le père venait dire au fils que c'était fini. Par cette découpe jouant sur les différentes profondeurs de champs, il figure ainsi le corps qui reste, dont il faudra s'affairer à la dissimulation, déjà privé de cet esprit qui avait lui déjà fini de disparaitre complètement.
Ou encore ce plan-séquence sur la banquette arrière d’une voiture s’éloignant du logis familial (cette boutique de laine) où se sont joués les derniers adieux. Nous plaçant là à la première personne dans une position d’au revoir et à jamais comme un enfant qui saluerait depuis le pare-brise arrière un pan de vie qui s'enfuit. Et puis aussi ce plan qui dévoile petit à petit le cortège funèbre devant l’église, où les vivants, cachés d'abord par les murs en pierres froides de l'édifice, se détachent de cette roche taillée, au fur-et-à-mesure, stoïques comme des statues devant la célébration religieuse.
Et le titre, aussi violent soit-il, extrêmement impudique, est souvent démenti par certains gestes de tendresse envers cette mère agonisante. Mais il n’est pas si exagéré que cela en fin de compte. Il rend bien compte du sentiment que nous inspire les images. Parant le film d’un désespoir (ou réalisme) sur comment la mort est mise en scène dans ce petit village de France, sur la pointe des pieds, avec une pudeur presque excessive qu’elle en deviendrait de la froideur, des silences effarants, des pleurs secs et des réconforts creux.
Pialat nous montre comment on meurt en France, une mort qui ne serait qu'une dernière banalité pour celle qui part, et une résignation sans éclat pour ceux qui restent, avant ce plan où le père éteint la lumière dans sa boutique. On finirait même par vouloir lui dire que, si on sait bien comment cela souvent se joue, entre l'amour pour ceux qui s’en vont et le tabou sociétal de la mort qui nous fait mal apprivoiser celle-ci, on se serait peut-être bien passer qu'il nous en convainque un peu plus avec autant d’efficacité.