« Ah pis merde, c’est la vie, quoi. »
Nous ne vieillirons pas tout court.
Après l’enfance nue, les amours de jeunesse et le couple adulte, le regard de Pialat se pose sur la maladie, l’agonie et la mort.
Il est intéressant de voir la similitude de sujet avec Amour de Haneke, et, surtout, la différence de traitement. A l’appartement parisien répond la province, au couple cloitré et fusionnel répond les parents liés dans une histoire délitée, à laquelle s’ajoute le rôle du fils, Léotard, qui répète les errements conjugaux du père avec sa jeune épouse, Nathalie Baye.
Toujours aussi radicalement opposée à toute sublimation, la caméra fixe, en longs plans-séquence, le quotidien miné par la mourante, finalement au second plan. La vie se poursuit malgré elle, avec ses petites mesquineries et son affligeante banalité, ces non lieux cinématographiques où se niche le génie de Pialat. L’Auvergne en 74 n’a rien à offrir d’exotique, pas plus que les amourettes du fils ou les pelotages du père.
Une fois encore, si le spectateur est saisi, c’est par l’authenticité frappante de tout le film : filmant comme personne une scène d’épluchage avec du Mozart à la radio, des brèves de comptoir ou la maladresse des conversations au repas d’enterrement, il dit tout de nos souvenirs d’enfance, il dit tout de notre banalité à venir et de la misère de nos existences.
L’un des derniers plans, bouleversant, est celui du départ de la ville des parents. La caméra embarquée dans la voiture, sur la lunette arrière, film en travelling la maison qui défile et à laquelle va succéder la rue, les carrefours, jusqu’à la sortie de la ville, en son direct, avec les à-coups du trajet. Lentement s’engloutit le passé, lentement s’amoncellent les strates qui tentent vainement de couvrir la béance qu’on laisse au loin et qui, pourtant, nous attend au bout de la route sur laquelle on se précipite.
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