C'est dans une atmosphère particulière, du côté de l'Espagne post-Franco, que se déroule La Isla Minima. Ce qui frappe, surtout, c'est l'esthétisme sur lequel s'appuie énormément le réalisateur. Les plans vus du ciel donnent presque envie de se retrouver dans ces immenses paysages, au cœur des marais du Guadalquivir, dans le sud du pays, malgré la série de meurtres qui s'y produit. Bah oui, Alberto Rodriguez n'était pas là pour une séance de diapo non plus.
J'entamais ces quelques mots en parlant d'atmosphère, parce qu'elle constitue selon moi le point fort de ce film. Macabre, souvent pesante, c'est typiquement le genre d'ambiance qui fait penser au spectateur ce fameux : "punaise, elle me fait flipper cette ferme abandonnée, j'y serai jamais allé moi... non mais je suis sûr que c'est lui qui les a tuées..." Mais loin l'idée d'un film d'horreur ou même gore, nous sommes au beau milieu d'un classique thriller, un policier à l'ancienne : une affaire, un élément déclencheur, des énigmes à résoudre, la solution. Toutefois, et je me répète, on plonge littéralement dans ce film, dans cette histoire sordide de jeunes adolescentes torturées et tuées. Ah c'est sûr qu'un policier, c'est rarement pour raconter l'histoire d'un type qui a acheté un sèche-linge...
Mais je m'égare. Un regret tout de même, vis-à-vis de nos deux protagonistes. D'un côté, un jeune idéaliste qui croit en la démocratie et qui souhaite la reconstruction du pays, et de l'autre un policier déjà plus rôdé qui appartenait aux rangs de la Gestapo espagnole dont j'ai oublié le nom. Ce regret, c'est l'absence d'exploitation de cette distorsion qui aurait pu peser et ajouter au film un élément de tension supplémentaire. Le seul moment où l'on sent véritablement cela est celui où, à la fin, le jeune fusille l'autre du regard, après avoir appris qu'il avait torturé et savait le faire comme personne, du temps où régnait la dictature. Pourquoi ne pas avoir appuyé là-dessus pour corser l'affaire et les relations entre Juan et Pedro ?
Néanmoins, excepté cette note, La Isla Minima tient réellement quelque chose, dans l'esthétisme et l'atmosphère qui accroche, pesante, qui en font un film que l'on ne regrette pas de regarder, au creux d'un fauteuil d'une salle plongée dans le noir, ou sur son canapé.