Dans la toile, la jeune fille semble prête à bouger. Est-ce pour fuir un regard, une présence ? Veut-elle parler, se confesser ? Libre à chacun de projeter autour de la peinture de Vermeer l'histoire à laquelle il souhaite croire.
La romancière Tracey Chevalier, elle, choisit de tisser autour de l'oeuvre l'histoire purement fictive d'un amour interdit. C'est celui de Vermeer et de sa servante, schéma classique du peintre et de sa muse. Entre les deux personnages se dresse un monde où se mêlent hypocrisie et jalousies. Ils se rejoignent pourtant autour d'une même passion: leur amour de la peinture, de la couleur, de la lumière. Ils voient du jaune dans les nuages et comprennent l'éclat des reflets bleus. Ce n'est pas le cas de tous, et surtout pas de leur entourage. Ils se heurtent alors à la médiocrité des caractères et à la complexité des rapports humains.
Paul Webber adapte cette histoire à l'écran en s'entourant d'acteurs exceptionnels, dont Scarlett Johanson et Colin Firth. L'ambiance et les décors nous replongent parfaitement au XVIIe siècle dans la ville hollandaise de Delft. Les scènes semblent calquées des œuvres de Vermeer tant la lumière et les couleurs y sont fidèles. L'esthétique et le rythme des plans sont magnifiés par une bande sonore délicate. Malgré la lenteur de l'ensemble, on est entraîné par les tensions qui se lient entre les personnages. La spontanéité du peuple s'oppose à l'hypocrisie de l'élite, créant une alternance constante entre dits et non-dits. Finalement, on lit dans leur jeu ce que les acteurs doivent taire et les brèves conversations ponctuent le silence avec justesse.
Pour conclure, on peut considérer que l'adaptation cinématographique de Paul Webber est une délectation pour qui apprécie les contemplations esthétiques et la justesse des émotions. Le cinéaste nous invite à repenser notre lecture (trop formelle peut-être) des œuvres d'art et à laisser parler notre imagination.