Comment suis-je tombé sur toi, petit film méconnu de Boris Barnet ? J'errais sur SensCritique à la recherche de films pas trop longs, idéals quand on a peu de temps ou que l'on désire simplement se détendre une petite heure. Et il faut dire que pour répondre à ce genre d'attentes, le cinéma du début du XXe siècle est une vraie mine d'or ! Voilà comment j'ai découvert, dans l'ignorance la plus totale quant à l'histoire, le genre et le réalisateur même, La Jeune Fille au carton à chapeau, datant de 1927.


Dès les premiers instants, j'ai été conquis par l'ambiance qu'instaure le film, portée par une musique entraînante qui trottera pendant toute l'heure dans ma tête. Natasha, le personnage principal, est particulièrement rayonnante, souriante, et nous embarque dans sa petite vie tristement quotidienne de fabricante de chapeaux, entre deux allers-retours à Moscou où elle livre ses confections à la détestable Madame Irène, qui les vend à son tour dans sa boutique. En chemin, elle fait la rencontre d'un homme, Ilya, qui vit seul sur les quais de la gare et à qui elle propose de l'épouser, afin qu'il puisse utiliser légalement sa piaule qu'elle n'occupe que très rarement lorsqu'elle vient à Moscou. Sautant sur l'occasion d'un tel acte de générosité, Ilya accepte : commence alors une série de scènes toutes plus drôles et touchantes les unes que les autres où les deux jeunes gens, mariés alors qu'ils sont encore étrangers l'un à l'autre, font connaissance avec beaucoup d'amusement. D'autres gags, souvent simplistes mais toujours bien sentis, viennent alimenter le déroulement des événements et font pour certains penser, dans leur ingéniosité, aux plus savoureux de Buster Keaton (glissades, jeux d'équilibriste, quiproquos, ...).


La force du réalisateur réside dans sa capacité à capter les émotions sur les visages, les rires comme les larmes de ses acteurs, qui réussissent à nous plonger au plus profond des neiges soviétiques en à peine une heure. Tout est fait avec beaucoup de légèreté, de sincérité et d'application, si bien que je n'ai pas grand chose à redire en terme de réalisation. Entre mensonges, tendresse, cris d'amour et peur de l'abandon, Boris Barnet propose une très jolie ode à la joie, sublimée par une photographie magnifique. Bercés par les notes tantôt jazzy, tantôt mélancoliques d'un score mémorable, ses personnages, profondément attachants et purs, nous invitent à prendre part à cette histoire d'amour qui n'aurait pas dû en être une, au carrefour du burlesque et du tragique.


Et ce carrefour, je l'appellerai poésie : une poésie que seul le cinéma muet parvient si bien à embrasser.

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le 22 mai 2017

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Jules

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