Je n’avais à l’origine pas prévu d’écrire un commentaire pour ce film, mais la seule critique existante sur le site est celle d’Alligator, qui me semble par trop négative. Cette modeste contribution aura donc pour but d’apporter un point de vue plus positif sur ce petit film.
Le film est réalisé par William A. Wellman, qui n’est pas forcément l’un des réalisateurs les plus connus de l’âge d’or Hollywoodien, mais qui a proposé un certain nombre d’œuvres intéressantes. C’est aussi un cinéaste à la carrière assez longue, du début des années 20 à la fin des années 50. Wally Cook, le journaliste star de l’un des plus grands quotidiens de New York est honteusement piégé par un affabulateur quelconque, coup dur pour la crédibilité du journal. Rétrogradé à la rubrique nécrologique, Cook est déterminé à tout faire pour se racheter, et part enquêter sur une affaire sordide de province : la contamination mortelle au radium d’une jeune femme, Hazel Flagg, qui n’a donc plus que quelques jours à vivre.
Sauf que le docteur s’est trompé dans son verdict, et en informe Hazel qui est bouleversée par ce nouveau changement de condition. Surprenant la jeune femme en pleurs, ému, Wally l’invite à New York pour un dernier voyage inoubliable. Sans rien savoir, bien entendu, de sa situation réelle !
Le film fonctionne sur le quiproquo qui est à l’origine du départ d’Hazel pour New York. D’abord décidée à jouer la comédie, celle-ci réalise bientôt que sa situation est de plus en plus inextricable, ce qui la rend malheureuse… et contribue paradoxalement à renforcer sa "condition" aux yeux de Wally, son guide dans la ville, qui s’éprend de son charme et s’émeut de sa détresse.
La carte maîtresse du métrage est évidemment Carole Lombard dans le rôle d’Hazel, sur laquelle repose la plupart des ressorts comiques. Ceux-ci ne sont pas toujours très bien dosés, mais dans l’ensemble, le film possède un rythme assez percutant. Le rôle masculin principal échoit à Fredric March, qui est, au reste, un excellent acteur. Si Wally Cook n’est probablement pas son meilleur personnage, l’acteur s’en tire toutefois honorablement et son alchimie avec Lombard fonctionne globalement. Certains passages sombrent dans une mollesse un peu faiblarde, mais l’ensemble est sauvé du naufrage par une dernière demi-heure bien maîtrisée, qui comporte son lot de scènes d’anthologie – comme si Wellman avait tout gardé pour le bouquet final !
À côté de cela, il faut bien reconnaître que le film n’est pas ce qui se fait de mieux en termes de comédie screwball, loin de là. Si le point de départ du scénario est intéressant et que l’humour est suffisamment bien dosé au cours du film pour le transformer en un honorable divertissement, cela ne va pas au-delà. Il s’agit du seul film en couleurs qu’ait tourné la superbe Carole Lombard au cours de sa trop courte carrière… l’essai n’est pas concluant, tant le technicolor triste et baveux qui se déploie à l’écran fait pâle figure face aux photographies somptueuses de ses plus grands succès. Enfin, les seconds rôles du film sont finalement assez ratés, et parfois difficilement supportables.
« Nothing Sacred », ou « La joyeuse suicidée » (le titre français est, chose rare, assez pertinent) ne constitue rien de plus qu’un divertissement correct, qui possède ses moments de gloire et met à l’honneur l’une des actrices de comédie les plus douées de l’histoire du cinéma. Qu’importe que ce ne soit ni son meilleur film, ni son meilleur personnage, en ce cas !