Tout est dans le titre français qui pour une fois est particulièrement judicieux.
Sur la forme, il explique la raison de l'irruption de ces deux hommes, juifs orthodoxes, dans ce petit village qui semble si tranquille au sortir de la guerre, le scénario maintenant tout de même une ambivalence jusqu'à la fin. Il n'y aura pas de vengeance, ni acte de justice, ni bon droit retrouvé. La guerre, le génocide, l'atrocité ont transgressé le passé, mieux vaut l'enterrer dignement et trouver un espoir de meilleur sur la route.
L'adjectif Juste fait triple référence. D'abord à ces personnes qui parfois au péril de leur vie, ont caché ou aidé des juifs pendant la guerre.
Mais également à ce qui relève de la portée de l'intention, visant à la minorer.
Enfin, le juste pourrait évoquer l'une des failles du film, dans le sens de son étonnante humilité.
Le message est limpide, mieux vaut un mépris bien affiché que 100 batailles juridiques, ou agressions. C'est ce mépris, ce silence qui vont mettre en déliquescence les habitants qui ont si bien trouvé les petits arrangements pour spolier les déportés ainsi que ceux qui ont cautionné en n'intervenant pas. Ce retour, ne peut que provoquer l'autodestruction de la petite communauté saisie d'un coup par la peur du déshonneur, du bannissement ou des pertes.
C'est donc un fabuleux pied de nez à la face de l'histoire que nous offre Ferenc Török mais est-ce suffisant ?
"La Juste route" ne manque ni d'intérêt, ni de qualités pourtant, en sortant de la salle, l'impression d'être resté sur quai de la gare entre le début et la fin est assez désagréable. Sans doute la fièvre que subit le village n'est-elle pas aussi intense qu'elle aurait du. Le rythme est trop souvent estropié par des scènes pittoresques avec ses personnages hauts en couleur. Cela nuit à beaucoup l'intensité dramatique. Le montage lui-même est un peu chaotique et contribue à cette même sensation. La trame générale très distante et simplifiée intentionnellement, aurait du être agrémentée de quelques artifices (fausses pistes, coup d'éclats plus percutants...) pour déstabiliser le spectateur, voire le faire s'interroger sur la situation, en un mot être moins passif.
Il sera toutefois intéressant de suivre Ferenc Török sur ces projets futurs, car sa vision cinématographique est des plus captivantes avec ici cette photo en noir et blanc très travaillée et l'organisation spatiale de son sujet (direction artistique impeccable) pertinente.
De l'épure au chef d'oeuvre la route est longue et soyons juste je pense que ce réalisateur a déjà fait le plus gros de la route...