La La Land est l’un de ces films miraculeux, que tous les producteurs ont rechignés mais qui à force d’un réalisateur obstiné parvient à se frayer un chemin jusqu’au grand écran et ravage tout sur son passage. Acclamé par la presse, applaudi par le public, La La Land avait sur ses épaules des promesses exagérées, abusives et démesurées, et pourtant il parvient, en permanence, à toutes les tenir au fil d’un film qui marquera on l’espère Hollywood et surement le Septième Art.


Produire en ce début de XXIème siècle un film musical qui ne soit ni une bouffonnerie se déroulant dans un lycée cliché des Etats-Unis, ni une adaptation, ratée, d’un musical de Broadway semblait tache ardue. C’est pourtant ce que c’était mis en tête Damien Chazelle, jeune réalisateur prodige à l’origine du déjà excellent Whiplash, lorsqu’il écrivait il y a cinq ans le script de La La Land. L’histoire d’amour, simple sur le papier, d’une jeune actrice en herbe et d’un jazzman raté qui allait ensemble se mettre à croire en leur rêve de gloire. De cette amorce banale, Damien Chazelle en profite pour faire de cette relation un véritable hommage au vieil Hollywood des années 50, à grands coups de numéros musicaux colorés et d’une imagerie mythique de cette époque. Cependant le réalisateur ne tombe jamais dans la facilité de ne faire qu’un film nostalgique et passéiste et entretient au fil de son oeuvre une véritable réflexion sur notre regard vis-à-vis de ces temps passés et de notre perception actuelle de Hollywood et de l’art en général. Si l’amourette pourra en rebuter certains, ils doivent prendre en compte l’intelligence avec laquelle elle est narrée, que ce soit dans son évolution qui se fait autant via les personnages que via l’atmosphère du film ou bien grâce au romantisme et à l’humour dont elle est teintée. La La Land n’est pas un simple film musical romantique, c’est aussi un film qui sait être drôle, plein d’autodérision et de conscience dans son propos. Si évidemment le film est une véritable déclaration d’amour à un Hollywood qui faisait encore rêver, il n’en est pas moins intelligent sur l’état du cinéma actuel et ce vers quoi il tend. Plus qu’une parenthèse ensoleillée La La Land propose un chemin alternatif aux productions hollywoodiennes et pousse vers la rêverie et la créativité. C’est tout le propos du film, en fait, un film dédié à ceux qui rêvent, et qui encore mieux, veulent partager leurs rêves avec les autres. Mia et Sebastian ne s’enferment pas dans leur « la la land » ils veulent au contraire le partager avec le monde alentour, car s’ils semblent être parmi les derniers capables de capturer cette « magie hollywoodienne », ils semblent en permanence vouloir partager cette amour aux autres.


Cet admiration pour le vieil Hollywood transpire par chaque choix de la réalisation de Damien Chazelle. Continuellement astucieux et invariablement génial, Chazelle se permet dans ce film des scènes purement poétiques et rêveuses dont on n’a malheuresement plus l’habitude dans des productions de cette ampleur. Les premières secondes feront déjà sourire les cinéphiles, que ce soit le choix d’apporter un air stylisé aux logos des studios de cinéma, ou celui de vanter le parti pris du Cinémascope (dans son format originel). Le ton est donné, vous vous apprêtez à voir un véritable hommage, complètement assumé, à un Hollywood du passé. Et bien que le film s’inspire et respecte ces films qui ont plus d’un demi-siècle, le film en tombe jamais dans la désuétude tant il sait se montrer moderne et astucieux sur bien d’autres points. Le film ne représente pas le Los Angeles des années 50, mais il en représente pas non plus celui d’aujourd’hui. En vérité, à la manière du reste du film, on assiste à un mariage osé mais réussi du temps passé et de notre époque, et le tout dans une esthétique sublimée. La première séquence du film en est d’ailleurs un bon exemple, le choix de l’autoroute n’est pas anodin (les problèmes de trafic de Los Angeles sont notoires) mais Chazelle utilise ce lieu pour le rendre aussi iconiques que d’autres décors qu’il montrera par la suite. Cette séquence mêle un quotidien banal qui est sublimé par un instant de rêverie filmé avec grandiose au cours d’un plan séquence technique et réussi. Damien Chazelle fait constamment les bons choix dans son film que ce soit par un travail de cadrage intéressant, une façon de filmer Los Angeles nouvelle, et une manière intéressante de travailler la proximité avec les personnages (par exemple, grâce à l’utilisation astucieuse de différentes focales, parfois dans un même plan).


Le film est techniquement parfait, pas besoin de nuance mes mots puisqu’il est littéralement parfait. La photographie est absolument scotchante et donne des côtés pittoresques à presque tous les plans, le travail sur la lumière (avec l’utilisation justifiée de la golden hour) est particulièrement remarquable. Plus qu’un simple travail esthétique, ce travail photographique sert vraiment la narration du film en le teintant de différentes humeurs. Le montage du film sait exactement quand être moderne, et quand faire références au cinéma des années 50 ce qui joue dans le côté intemporel du film. Les décors sont comme déjà dits ingénieusement choisis, et les différents « sets » sont absolument charmants, amusants et poétiques. Le travail sur les costumes joue une grande part dans l’atmosphère du film.
Et enfin comment parler de La La Land sans s’attarder sur son travail sonore tant c’est là que le film impressionne le plus, et ce n’est pas peu dire. La musique originelle composée par Justin Hurwitz est entrainante et sert parfaitement le film, les morceaux chantés savent être suffisamment modernes pour ne pas dénoter et s’intègre parfaitement dans l’ensemble de l’œuvre. Vous vous surprendrez à ne pouvoir retenir ce pied qui tape sur le sol en rythme, et à avoir les chansons en musique en tête durant les heures qui suivent tant les scènes musicales sont mémorables, même du point de vue de quelqu’un qui n’est pas particulièrement fan des musical. Parfaitement chorégraphié et ambitieux ces scènes ont dû être un tel casse-tête à mettre en scène qu’on ne peut qu’applaudir la performance.


Finalement, ces scènes musicales sont à l’image du film, un film qui mettra des papillons dans les jambes mais aussi dans le cœur grâce à une ambiance enthousiaste et ceux malgré une histoire d’amour déjà iconique qui sert un propos intéressant sur le Hollywood d’aujourd’hui. J’espère que La La Land réussira son pari et ne soit pas une simple bouteille à la mer. Hollywood mérite, et à besoin d’autres films aussi recherchés et ingénieux que ce La La Land.

BastienGiot
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le 28 janv. 2017

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