Que ce soit avec le coup d'éclat Wiplash jusqu'au très grand Babylon, Damien Chazelle n'a cessé au travers de sa filmographie à prouver qu'il avait de l'or entre les mains en matière de réalisation. Après avoir raflé les prix du Festival de Deauville, Sundance, les Oscars ou encore les Golden Globes, ses films ont acquis un prestige indiscutable bien que malgré son unanimité critique La La Land ne soit pas non plus le miracle dont les spectateurs néophytes et cinéphiles parlent tant. Alors que les music-hall des années 2000 s'ancrent dans une dimension soit très réaliste - où la musique et le chant apparaissent comme des opportunités de s'extirper de cette dernière - soit très frénétique et tape-à-l'œil, Chazelle revient aux fondamentaux de l'âge d'or du genre avec une orientation musicale tournée vers le jazz, les chorégraphies en claquettes et une histoire d'amour.
Par son utilisation des focales très larges, l'exploration des espaces en plans longs, le travail sur la couleur… La La Land est pensé comme un spectacle à l'inventivité et à la virtuosité complètement folle où chaque image participe à tisser un lien entre fantaisie et réalisme. En faisant tomber de la neige en plein cœur d'une fête, en faisant s'envoler ses personnages, en les faisant danser à travers les étoiles, Chazelle navigue sans cesse à la frontière de l'imaginaire en donnant à voir une représentation de sentiments indescriptibles tout en les magnifiant par le chant, la danse et les musiques de Justin Hurwtiz. Seulement, partagé entre son hommage aux music-hall hollywoodiens et sa parodie de l'Hollywood actuel, le ballet de La La Land - aussi virtuose soit-il - souffre malheureusement d'un trop grand penchant pour le remplissage. Si le cinéaste est évidemment un amoureux de la captation de l'action (dans le sens de l'acte), ce dernier montre surtout que le monde est ici une immense scène à exploiter à tout prix quitte
à oppresser ses personnages dedans et perdre la puissance de la portée des chansons en accord avec le récit.
Pour autant, dans ce monde où les décors de studios et les rues s'entrecroisent, Chazelle parvient à insister avec malice sur l'illusion des personnages de Ryan Gosling et Emma Stone de partir en quête de la vie folle de Los Angeles où le seul but est de se faire un nom. C'est d'ailleurs lorsque le film atteint ce cœur aussi satirique que mélancolique de son récit que La La Land touche du doigt ses moments d'abstraction les plus sincères où l'égoïsme des personnages les condamne à devenir inévitablement ce que le monde veut d'eux.
Si sa direction d'acteur parfaite s'accompagne d'une mise en scène indiscutablement maîtrisée, l'enfermement dans un carcan trop artificielle et gratuit du music-hall ne permet pas de transformer totalement l'essai ni d'y insuffler l'originalité attendue. Que le spectateur songe à des références aussi riches que Chantons sous la pluie, Le Danseur du dessus, Broadway qui danse voire même Wall-E et La La Land paraît bien plus comme une copie adroite qu'un véritable tour de force.