La production cinématographique n'est pas un commerce de saucisses mais d'enthousiasme individuel.
* * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * Charles Spencer Chaplin Jr
Et Damien Chazelle, l'a semble-t-il bien compris. Déjà son "Whiplash" avait quelque chose d'exaltant, en particulier dans son final mais avec "La La Land" il passe encore un cap. "Que dis-je, c'est un cap ? C'est une péninsule !". Véritable leçon de ce que peut être le cinéma.
Bien sûr le cinéaste peut choisir d'autres armes, d'autres univers, d'autres genres, d'autres tons mais toujours il doit être le vecteur et le créateur d'enthousiasme. Et "La La Land" transmet comme peu ont réussi à le faire. C'est la transmission d'un passé - fantastique Hollywood de studios et de décors en carton-pâte, la transmission d'une passion - leçon de Jazz vibrante et inspirée de Sebastian pour Mia et pour nous, la transmission de rêves, et surtout la transmission d'émotions. Comment ne pas tomber sous le charme de ce couple ? Comment ne pas sourire à leurs piques, rire à leurs pitreries ? Comment ne pas s'émerveiller d'une danse dans les étoiles ? Comment ne pas avoir la gorge serrée lors d'un final magistral ?
d'un si formidable et si maîtrisé "Et si ?" mélangeant passé et "conditionnel"
Certes la romance est des plus classiques, presque un cliché. Deux êtres qui s'agacent d'abord l'un l'autre mais qui se sentent attirés irrésistiblement, qui partagent leurs rêves et leurs angoisses et s'aiment. Mais toute la magie de Chazelle est d'avoir su magnifier tout ça. Je suis sûr que beaucoup de critiques se sont déjà amusées à disséquer le film en tous sens et "on pouvait dire bien des choses en somme" - Cyrano sort de ce corps - parler
- du casting Emma Stone et Ryan Gosling et de leur alchimie
- de la b.o. qui sait se faire entraînante aussi bien que mélancolique
et qui reste en tête encore et encore
- de la photographie, des décors et des costumes magnifiés dans des
éclats de couleurs pures
- du charme des numéros et de la poésie qui s'en dégage
- de la caméra virevoltante et des prouesses techniques
- du rythme soutenu malgré de nombreux plans séquences
- de l'intelligence du montage et des transitions entre les 4 actes (si
on considère le final comme un acte à part)
- du mélange réussi d'un Hollywood passé et fantasmé et d'une vie
moderne à L.A.
- des nombreux hommages très présents mais jamais sur-appuyés
- de l'humour qui vient juste au bon moment éviter un cliché : la
pellicule qui brûle, le klaxon qui détourne une muflerie en geste
romantique, etc. ou éviter de sombrer dans un effet dramatique trop
lourd
- de la richesse du propos sur la transmission (tiens tiens ^^), la
passion et les rêves ou sur la dichotomie entre un certain respect du
passé qui peut virer au conservatisme et la volonté de révolutionner
et d'évoluer avec son temps au risque d'y perdre une certaine pureté
originelle. Damien Chazelle s'est lancé un pari. Moderniser la
comédie musicale, genre tombé en désuétude, tout en rendant hommages
à celles qui ont fait notre imaginaire "Chantons sous la pluie", "West
Side Story", "Tous en scène", etc. et il l'a réussi haut la main.
Mais que dire de Sebastian à qui il lance le même défi pour le Jazz ?
- etc.
Mais ce que je retiens avant tout, et c'est probablement grâce au juste mélange de tous ces éléments susmentionnés, c'est l'émerveillement constant. Que ce soit le numéro d'ouverture, celui du banc, celui de l'observatoire, celui de la jetée, celui de l'audition (peut être le moins "naturel" dans sa transition) ou bien sûr celui du final, on en prend plein les yeux, plein les oreilles, plein le coeur. C'est le même genre d'émerveillement que j'ai eu enfant devant "Jurassic Park" ou "E.T.", adolescent devant "Edward aux mains d'argent" ou "Big Fish" puis plus tard devant "2001", "Les Temps Modernes", "Le Voyage de Chihiro", "Le Guépard" ou "Le Miroir". Il n'avait peut être pas toujours la même forme, les mêmes sources mais il déclenche toujours cette vibration, cette impression à la fois de flottement et d'exaltation.
Ce que j'attends d'un film c'est qu'il provoque cet enthousiasme en moi par sa capacité à transmettre de la beauté, de l'émotion, de la nourriture pour l'âme et pour l'esprit. "La La Land" y parvient magnifiquement. A tel point qu'il m'obsède depuis plusieurs jours et que mon esprit y retourne sans cesse en musiques, en images, en souvenirs, qu'une douce chaleure m'étreint et, si celà est possible, j'en suis amoureux.