Ni franchement un poliziottesco (l’ensemble manque d’action) ni franchement un giallo (l’ensemble manque de suspense et de sang), La Lame infernale est un drôle de film dans le cinéma de genre des années 1970. Film pourtant classé dans ces deux genres, il évoque aussi un cinéma plus politique avec une classe dirigeante pourrie, capable de tremper comme ici dans un sombre réseau de prostitution de mineures. Mais ne nous affolons pas outre mesure, le sujet réel du film n’est traité qu’en surface. Plutôt que de nous envoyer lorgner du côté des arcanes du pouvoir et des vilains messieurs, il nous met dans les pattes un tueur sadique au hachoir qui est aussi un motard. Le hachoir, la tenue du cuir, le casque noir, et nous voilà en plein giallo ou presque. Presque puisque les codes de celui-ci ne sont pas au programme : pas de suspense insoutenable, pas de meurtre chorégraphié, pas de caméra subjective. Au contraire, d’ailleurs, des plans longs, plutôt larges qui atténuent les moments attendus de terreur.
S’il peut décevoir les amateurs de giallo par son refus d’en respecter les codes (le principe du whodonit étant, par exemple, malheureusement totalement évacué), ce thriller se tient, malgré tout, parfaitement. L’introduction du récit et des différents personnages est ainsi remarquable. Le début de l’enquête, tout à fait passionnante, est une vraie réussite. Malheureusement, le film peu à peu se perd. Désireux d’intégrer des éléments du poliziottesco (une poursuite en voiture et en moto ou encore certains traits de personnalité des enquêteurs) puis du giallo (ce motard tueur donc), le récit semble se vendre aux succès populaires du moment. C’est regrettable car l’ensemble voit son identité lui échapper et le mystère évoqué en début de film finit par s’éventer.
Le résultat est donc bancal. L’idée de départ est franchement très intéressante et son traitement à la hauteur des ambitions. Mais, progressivement, l’ensemble se fait brouillon. La fin, malheureusement bâclée, achève de laisser un sentiment mitigé. C’est dommage car le film regorge de bonnes idées mais aussi de bons moments. Le tout est mené sur une bande originale qui fait vraiment le job sauf dans les séquences supposées de terreur. Pas totalement abouti donc mais une vraie curiosité malgré tout.