En revoyant ce film après de nombreuses années, je l'ai réévalué car je l'avais sans doute mal jugé, même si ça n'en fait pas un de mes westerns fétiches, car après tout, c'est une histoire de famille au coeur de l'Ouest, qui voisine avec le ton du mélodrame, il ne faut donc pas s'attendre à de folles chevauchées, à des histoires de hors-la-loi et de pistoleros ou à des combats contre des Apaches, les westerns psychologiques m'intéressent, mais j'aime bien aussi l'action.
Comme je le disais, il s'agit d'une rivalité entre éleveurs et miniers et surtout d'un conflit familial où Spencer Tracy y incarne un gros propriétaire terrien, patriarcal, violent, bourru et borné qui entre en conflit avec ses fils ; il n'accepte pas qu'ils mettent en doute son autorité et foulent aux pieds ce pour quoi il s'est battu, en passant sa vie à la force du poignet à monter un ranch et à construire son empire. Edward Dmytryk porte ce conflit à une sorte de paroxysme dramatique, lui qui a toujours eu un faible pour les personnages torturés, en proie à leurs propres défauts qu'ils essaient d'assumer plus ou moins bien, il dresse un prodigieux portrait de vieil entêté qui ne renonce pas à ses convictions.
On suit donc avec intérêt l'antagonisme de ces frères à travers de bons acteurs comme Richard Widmark, Robert Wagner ou Earl Holliman (celui incarné par Hugh O'Brian étant plus effacé) et surtout un remarquable Spencer Tracy, acteur que je n'ai jamais admiré mais toujours respecté pour ses compositions subtiles ou intelligentes, et ici, c'est le cas. On retient aussi la douceur de la charmante Jean Peters et la beauté ethnique de Katy Jurado.
Cet affrontement culmine en une spectaculaire bagarre entre Widmark et Wagner dans un beau décor de gros rochers. Le réalisateur réussit un western robuste et efficace par la profondeur psychologique de ses personnages et la résonnance tragique de son histoire, il poussera d'ailleurs encore davantage l'analyse psychologique des héros de l'Ouest dans son autre western, bien plus brillant, L'Homme aux colts d'or dans lequel il remploiera Richard Widmark.
A noter que ce film est le remake de la Maison des étrangers de Joseph Mankiewicz en 1949, cette version se déroulant dans le milieu des immigrés italiens ; cette transposition dans l'univers westernien en reprend les mêmes éléments.