Xavier Dolan disait sur un plateau de télévision que ce film avait changé sa vie. On lui répondait également que Mommy ne pouvait être comparé à d'autres œuvres car Dolan réinvente ce qu'il touche. Je pense que c'est faux et La leçon de piano en est une preuve parfaite. Il voue un culte à Jane Campion et ça se ressent dans ses films. Cette musique au-dessus de tout qui insuffle un magnétisme très puissant aux scènes, cette prédominance de la femme et de ses doutes, leur esprit éreinté et leur grandeur aussi, cette chaleur dans l'amour qui brise les chaînes et s'empare du cœur et en contrôle chaque battement. Je crois que Xavier Dolan essaie de comprendre et de déchiffrer la vie comme un labyrinthe où il ne tenterait pas de trouver la sortie mais se contenterait d'avancer pas à pas. Il y a un peu de Campion en Dolan.
Parenthèse terminée, La leçon de piano est une leçon d'espoir. C'est aussi un hurlement silencieux qui déchire l'eau, les cieux et les corps torturés à ses côtés. Car si les hommes qu'elle côtoie ont aussi leurs problèmes, la magnifique Ada interprétée par Holly Hunter ne veut plus se relever, seulement continuer son existence et respirer au rythme de son piano. Et pourtant, dans ces marécages qui embourbent son avenir, et alors qu'elle n'a plus besoin de personne si ce n'est de sa fille sur qui elle compte presque d'égal à égal et contrainte au mariage arrangé par son père, la jeune mère incomprise va rencontrer un homme perdu et dur qui va la faire renaître. De sa désillusion rejaillira l'espoir.
Superbe mise en scène, du piano et la nature, un Harvey Keitel très bestial, de très étonnantes complexités jusqu'aux tréfonds de l'âme, faits rarissimes pour un film, pour un scénario plutôt sobre mais intense et bourré d'émotions. Un film et un état de grâce où la caméra n'est plus seulement là pour le désir de la réalisatrice d'en faire un objet cinématographique mais comme écho à son cœur et à sa volonté de laisser une trace, de partager une sensation si vive qu'elle en deviendrait presque une douleur. Un énorme coup de cœur.
Une femme muette de l'extérieur mais qui me parle tellement, qui nous parle tellement. Lorsque le cinéma touche de si près le feu ardent de nos vies, c'est prodigieux. La plus belle chose qui puisse m'arriver quand je regarde un film d'une telle ampleur émotionnelle, c'est de me sentir vivant. C'est ce que ce film véhicule et c'est pourquoi il détient ma note maximale. Lorsqu'il s'agit de stimuler des émotions inégalables et dont il n'existe pas de mots au plus profond de moi, j'appelle ça une leçon de cinéma.