Normalement, La Leçon de Piano, c'est typiquement le genre de films qui finit par m'ennuyer. Le genre de films lyriques en costumes où l'histoire d'amour a souvent bien du mal à m'atteindre. Mais lorsqu'il y a un piano sur une plage et une actrice habitée comme Holly Hunter pour jouer dessus, c'est différent...
J'imagine aussi que l'univers de la réalisatrice n'y est pas étranger, puisque Jane Campion réussira 16 ans plus tard à récidiver avec le tragico-poétique Bright Star. Parce qu'esthétiquement parlant, on a bien affaire à un petit bijou photographique tiré des superbes paysages néo-zélandais, avec en premier lieu cette plage, comme tout droit sortie d'un rêve d'Eole. Et puis ces costumes, ou devrais-je plutôt dire CE costume, porté par Ada (Holly Hunter donc, bouleversante) comme par sa fillette de 9 ans, la craquante Anna Paquin. Je la trouve absolument magnifique cette robe bouffante (?), tout comme cette coiffe faisant penser à un halo. C'est dingue ça, v'là que j'me mets à causer mode maintenant ! Et pourtant qu'est-ce que j'm'en fous de la mode !
Mais revenons à nos moutons écossais : Ada a vu son mari mourir sous ses yeux, et n'a pas sorti un mot depuis, même à sa fille. Son père (à Ada) l'a forcée à se marier avec un colon (Sam Neill) habitant à l'autre bout du monde - en Nouvelle-Zélande donc. Elle s'y rend avec sa fille et son piano, mais le coup de foudre n'arrivera pas, au contraire. Et le quadra ou quinquagénaire (?) préfèrera compter sur le temps pour que cela change, et uniquement le temps. Les gestes malhabiles, voire frustres de cet homme, ne semblent donc pas vraiment aptes à conquérir celle qu'il trouvait d'abord trop chétive à son goût, mais qui désormais le fuit. Et contrairement à ce que l'une des femmes de la colonie sous-entendra, son animal de compagnie ne sera pas prêt à se laisser apprivoiser. Quoiqu'elle finira par accepter de le toucher, mais jamais l'inverse.
Entre-temps, il avait fallu ramener le piano resté sur la plage, trop lourd et encombrant pour la première traversée du bush. Ana devra signer un marché avec un voisin illettré de la famille (Harvey Keitel avec des tatouages maoris), pour espérer le récupérer : un marché sensuel à tendance prostitutionnel sous couvert d'apprentissage du piano... Et lorsqu'elle ira jouer sa partition divine, là-bas sur la plage un peu avant de le ramener ce piano, ses premiers sourires ouvriront enfin son pourtant si joli minois ; et moi, ça me bouleverse tellement c'est beau ! A l'image de cet hippocampe dessiné sur le sable avant leur départ.
Les morceaux de piano s'avèreront tous plus magnifiques les uns que les autres, et c'est encore une fois la question du refuge dans l'art, que le mari ne saura jamais comprendre, qui l'éloignera toujours un peu plus de sa femme, jusqu'à ce que l'histoire tourne mal... Un peu comme ce spectacle horrifique, théâtre de l'incompréhension et du décalage culturel des uns et des autres, mais sans trop de dégâts heureusement, malgré la violence...
Un très beau film donc, avec un rythme très correct malgré deux-trois longueurs au milieu, des acteurs tous au diapason (hihi), et une puissante histoire d'amours tragiques que sublimera un joli final qu'il ne faudrait surtout pas spoiler ! ;)