Tout d'abord, je vais me permettre de contredire l'enthousiasme de Jean-Pierre Dionnet, non, clairement "la Légende Musashi" n'égale pas les "Sept Samouraï" sorti la même année avec le même - génial - Toshiro Mifune, et Kurosawa n'a nullement usurpé une couronne qui aurait dû revenir à Inagaki : la différence de "souffle", de "vision", de "profondeur" est criante entre les deux oeuvres et les deux réalisateurs, et réhabiliter Inagaki ne passera pas par la critique de Kurosawa. Même l'argument que Kurosawa aurait été plus "malin" en alliant à la culture japonaise la forme hollywoodienne est nul et non avenu, car nombre de plans de "la Légende Musashi" rappellent tout autant les grands westerns classiques (Mann plus que Ford, la mélancolie plus que la légende, peut-être ?... comme certains l'ont déjà fait remarquer...). Formellement très réussi, avec de nombreuses images poétiquement fortes (les plans de la nature, la pluie sur les combats, Musashi suspendu à un arbre vertigineux), prodigieusement habité par un Mifune comme souvent torturé et hystérique, "la Légende de Musashi" échoue à être un GRAND film seulement à cause de son récit pour le moins curieux, montrant le cheminement d'un personnage à travers des épisodes pas forcément cohérents et bien reliés entre eux, échouant par exemple à montrer la profonde transformation de Musashi au cours de son long enfermement par le moine manipulateur, et se concluant de manière pour le moins frustrante (... Même si l'on sait qu'il ne s'agit là que du premier volet d'une trilogie...). On sort donc de "la Légende de Musashi" à la fois conquis et déçus. A suivre, de toute manière...
[Critique écrite en 2014]