Ce treizième épisode de la saga est le troisième réalisé par Tokuzô Tanaka. Il avait réalisé auparavant Un nouveau voyage et Le fugitif. C’est malheureusement le dernier qu’il réalisera. Malheureusement, parce que parmi ceux que j’ai déjà vus, les films de la saga qu’il a réalisés sont les meilleurs, tant sur la forme que sur le fond. La réalisation est soignée, il y a de très beaux plans, comme ici la superbe scène sur le pont : les silhouettes sombres se découpant à la lueur du crépuscule tandis que les assaillants sont face à Ichi et derrière lui, avançant et reculant. Cette scène est développée et l’une des plus belles de cet épisode qui comporte par ailleurs de nombreux combats.
La Vengeance est riche de densité existentielle et de profondeur psychologique. Ichi rencontre un prêtre, aveugle de naissance, un sage qui lui ressemble. Non seulement il est aveugle comme lui mais il est aussi également atypique. Il parle en énigme et perçoit beaucoup de choses sur Ichi. Ce prêtre le place face à un dilemme : Ichi pour se défendre a tué une troupe d’assaillants. Taichi, un enfant était présent. Le prêtre exprime son regard sur la situation :
Vous avez montré vos talents de sabreurs devant le garçon. Maintenant il est rempli d’admiration pour vous. Je crains que vous l’ayez corrompu pour de bon. L’âme d’un enfant est pure et immaculée. Mais une fois souillée, ce n’est pas si facile de la purifier.
Ces paroles ne peuvent que toucher profondément Ichi, lui qui perçoit les « cœurs » et leur accorde la plus grande importance et lui qui aime les enfants :
Je peux lire le visage d’une personne, mais aussi dans son cœur. Je peux lire dans le cœur des gens à cause de ma cécité.
Après ce que lui a dit le prêtre, Ichi se refuse à sortir son sabre lors d’un nouvel assaut de Yazukas qui a lieu dans la maison de Taichi. Il se laisse maltraiter. Attitude qui lui demande un grand effort de volonté et qui suscite ensuite le mépris des personnes présentes qui ne comprennent pas pourquoi il a agi ainsi.
Les yazukas reviennent plus tard dans la maison de Taichi pour percevoir l’argent qu’ils ont demandé. Face à leur violence, Ichi n'a pas d'autres choix que de dégainer son sabre pour défendre ces pauvres gens.
Il dit ensuite au prêtre : « Je ne pouvais rester sans rien faire » Le prêtre l’approuve. Ichi ne comprend plus : quand je dégaine mon sabre vous me dites que j’ai tort, et vous me dites que j’ai raison ! Le prêtre répond : « je pense vraiment ce que je vous ai dit ces deux fois. C’est au delà de votre compréhension ».
Cette pensée paradoxale est en fait la seule qui permette à la violence de ne pas corrompre l’esprit et de garder la distance face à elle pour ne pas se laisser engloutir par elle. C’est bien ce que vit déjà Ichi, sans qu’il l’ait jamais formulé clairement, lui qui dégaine son sabre bien souvent malgré lui et qui avertit ses adversaires d’y réfléchir à deux fois avant de l’attaquer.
A la fin de cet épisode, Ichi repart solitaire comme toujours. Solitude à laquelle il ne peut échapper. Comme le prêtre le lui a expliqué :
Votre vigilance n’est pas celle d’un aveugle ordinaire. C’est pourquoi ils vous craignent et ne se lient pas d’amitié avec vous. Et les voyants vous regardent de haut parce que vous êtes handicapé. Vous n’êtes pas chez vous parmi les aveugles, ni parmi les voyants. Vous vous situez entre les deux. Vous êtes une étrange créature qui n’appartient à aucun monde.