Akira Kurosawa n'avait que trente-trois ans lorsqu'il réalise son premier film La Légende du Grand Judo, devant déjà faire face à la pression de son gouvernement souhaitant qu'il insère des éléments nationalistes à son film, ce qu'il a tenté de refuser.
Il évoque d'abord ici la rivalité entre les écoles de judo et de jiu-jitsu, ces derniers voyant mal la concurrence et n'hésitant pas à les défier, mais propose surtout le portrait d'un jeune homme découvrant le judo et faisant face à plusieurs épreuves pour prouver sa valeur. Construit comme une initiation à la vie, La Légende du grand Judo permet à Kurosawa d'aborder les prémices du judo et d'installer une rivalité entres écoles, ainsi qu'une intéressante relation maître/élève.
C'est notamment via ce dernier point que Kurosawa intéresse, à l'image de toute la première partie et la découverte du judo par le protagoniste et la façon dont il va être accepté par le maître. Si l'oeuvre est moins intense dans sa seconde partie, où l'histoire d'amour manque clairement d'émotion voire même d'intérêt, apportant juste une touche de douceur dans ce monde de brutes, elle n'en reste pas moins intrigante et prenante tout le long. Le futur metteur en scène du génial Ran montre déjà un certain savoir-faire, sachant capter l'essence et la force des enjeux et personnages, à l'image des valeurs humaines proposées par le judo, et proposer une atmosphère assez sombre plutôt prenante.
Bien que parfois maladroit, il nous immerge dans les prémices du judo avec brio, sublimant son récit avec, déjà, une certaine maîtrise technique, jouant avec brio avec la belle et inquiétante photographie en noir et blanc. Sachant user de nombreuses symboliques, à l'image de la scène du nénuphars, il arrive à donner un côté parfois poétique à son oeuvre, tandis que certaines séquences sont plutôt mémorables, à l'image du dernier combat (c'est néanmoins dommage que les autres ne soient pas à la hauteur).
Avec La Légende du grand Judo, son premier film, Akira Kurosawa propose une oeuvre intéressante et intrigante bien que parfois maladroite et surtout hachée par la censure, où il montre avec humanisme comment le judo a supplanté le vieux jiu-jitsu durant l’ère Meiji.