Un drôle de film italien, qui emprunte de prime abord, aussi bien à Pasolini qu’à Frammartino dans le drame rural qu’il déploie hors du temps, et qui se permet de plonger, au moyen d’une ellipse brutale, dans une seconde partie, un second chapitre, où il s’en va fouler le récit d’aventure façon Herzog aux accents de western.
La grande idée du film est de reposer son récit sur une (vraie) légende, racontée ici par des chasseurs dans une auberge, avant de laisser vivre la légende, abandonnée de leurs narrateurs. Vraie victoire de la fiction.
Et si le premier chapitre est tourné dans la région de Tuscie, dans le village de Vejano en Italie, le second chapitre file en Terre de feu, rappelant les paysages argentins déployés dans le très beau Jauja, de Lisandro Alonso. Au même titre que les précédents courts des auteurs (Balvanera & Il solengo) La légende du roi du crabe s’inspire de légendes racontées par des chasseurs locaux.
Gabriele Silli, l’acteur qui joue Luciano, le héros de cette légende, est une révélation, une gueule, une voix, une carrure, une démarche, une présence sauvage. Il semble arriver d’une autre planète. Et c’est aussi l’histoire de cet homme, Luciano, qu’on découvre revenant dans son verdoyant village natal avant de le voir se perdre en chercheur d’or dans l’immensité aride de la Terre de feu. C’est l’histoire d’un homme qui s’évapore, aussi bien dans le village qui l’a vu naître que dans ces confins rocheux qui le verront mourir.
Avec un dénominateur commun à ces deux histoires, apparemment sans aucun lien (le personnage lui-même change de nom : Luciano est devenu le père Antonio) : Une histoire d’amour fou. La belle Maria Alexandra Lungu en est le cœur fantôme, magnifique.