"I swear in the name of God and the devil to exterminate the anarchists, the communists and their abettors."
On regrette la conclusion moralisatrice, qui vient rappeler la sacro-sainte supériorité morale des Américains sur la base de la constitution, en évoquant lourdement la figure tutélaire de Lincoln — exactement comme John Ford dans Cheyenne Autumn, avec le sénateur face au portrait de son idole. Pour le reste, une série B des années 30 qui traite d'un groupe raciste de cette période, un mouvement formé dans la mouvance du KKK et actif dans le centre ouest des USA dans les 30s. Les deux groupes ont les mêmes prérogatives et les mêmes limitations intellectuelles, seule change la couleur de leurs toges. Archie Mayo, aidé par Michael Curtiz (non-crédité), suit le parcours du protagoniste interprété par un tout jeune Humphrey Bogart dans son enrôlement et la spirale inéluctable de violence qui suivra.
Le contexte social est largement évoqué, Bogart étant un ouvrier travaillant dur et qui verra sa promotion lui filer sous le nez au profit d'un autre ouvrier d'origine polonaise, mais on restera à la superficie des enjeux. Après quelques sermons entendus à la radio, il sera approché par un collègue appartenant à la Black Legion et en viendra à commettre des actes violents contre des familles d'immigrés. Le portrait de sa frustration est vraiment limité au strict minimum, le basculement du manque de reconnaissance dans son travail vers le ralliement à un groupe extrémiste aussi violent n'étant pas toujours bien tissé. Mais le film sème sur son passage une violence plutôt forte, qui fera d'ailleurs intervenir la censure aux États-Unis et en France : il s'agit tout de même d'une histoire basée sur des faits réels (l'enlèvement et l'assassinant de Charles A. Poole en 1935, qui déboucha sur des dizaines de condamnations), même si cela n'est pas mentionné explicitement. Leur enrôlement comprenait une phrase où ils devaient jurer "in the name of God and the devil to exterminate the anarchists, Communists, the Roman hierarchy and their abettors", quand même...
De manière un peu moins convaincante, "Black legion" s'intéresse à la finalité purement mercantile de ces mouvements xénophobes, avec ces bourgeois aux commandes qui calculent le soir les revenus des cotisations des membres et de la vente de revolvers (vendus avec une belle remise, comme de bons commerciaux). Il aurait sans doute fallu travailler le portrait de l'ouvrier qui passe du statut de gars sympathique à celui de tueur d'immigrés. Et, surtout, réduire la dose de moralisation en conclusion.
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