Découverte avec le très original « Home » puis « L’Enfant d’en haut » il y a dix ans, la cinéaste suisse Ursula Meier n’avait pas donné de nouvelles d’elle sur le grand écran depuis. Mais elle revient en force, après s’être consacrée à plusieurs séries, avec « La Ligne ». Un titre énigmatique pour un film qui l’est tout autant dans son déroulement. Ce long-métrage serait plutôt quelconque sans cette fameuse histoire de ligne justement: une histoire de famille comme on en voit tant avec une mère qui ne parle plus à l’une de ses filles. Mais une dispute violente va faire que la première porte plainte contre la seconde, la contraignant à une mesure d’éloignement par la police. A partir de là, une ligne de cent mètres va être tirée autour de la maison familiale. Et donner tout son sel et son piquant (en plus de son titre) à cette œuvre réussie et maîtrisée sur l’incommunicabilité. Et de tirer pleinement partie de ce postulat à la fois incongru et grave.


On adore la première scène. Elle est magistrale. Ladite dispute est filmée au ralenti au sein de la maison dans un tumulte infernal rappelant une chorégraphie. Enveloppé sous le fameux thème de musique classique Nisi Dominus de Philippe Jaroussky, elle impacte fortement la rétine et fait saliver pour la suite. Pareillement, celle qui clôture « La Ligne » est tout aussi réussie mais en mode mineur. Des regards qui se fuient et des corps qui se frôlent, cristalliseront l’impossible réconciliation entre cette mère fantasque, égoïste et inconséquente et sa fille violente et impulsive. Ou comment être très démonstratif dans une scène impressionnante et toute en suggestion dans une autre édifiante. Une entame et un épilogue faits de grâce, de fureur et de délicatesse. D’ailleurs la réalisation est très belle, jouant de ces décors rares d’une petite ville suisse anonyme enclavée entre les montagnes. Un film suisse ce n’est d’ailleurs pas si courant et ici il est vraiment bon.


L’intrigue suit donc les pas de Margaret, cette fille agressive dont on ne veut plus. Qui fait peur et dont les réactions sont imprévisibles. Jouée par l’intense Stéphanie Blanchard qui a co-écrit le scénario, elle est l’électron libre du film. Elle fait face à une Valéria Bruni-Tedeschi parfaite pour ce rôle de mère borderline. Entre les deux la douce India Hair joue les arbitres avec brio. Le sujet est lourd mais ce n’est jamais l’option du drame pur que choisit Meier. Mieux, elle privilégie même parfois une tonalité pince-sans-rire qui permet à « La Ligne » d’avoir plusieurs moments assez drôles. Sur un canevas banal, cette histoire de ligne et de mesure d’éloignement va rendre ce film original, étonnant et presqu’amusant malgré le drame qui se joue. Une très bonne surprise qui ne souffre que de quelques baisses de rythme en milieu de bobine.


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JorikVesperhaven
7

Créée

le 12 nov. 2022

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Rémy Fiers

Écrit par

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