Il apparait vite qu'au-delà de l'anecdotisme fictif proposé par le film de Chabrol, "La ligne de démarcation" ne fait pas moins que présenter l'état des lieux et l'état d'esprit de la France rurale occupée. Les rôles, desquels n'émergent pas de personnages véritablement prépondérants, consistent en un échantillon représentatif de la population française: résistants et sympathisants, collabos et profiteurs.
Claude Chabrol, en observateur avisé de la province, concentre habilement dans un village typique (dont néanmoins la particularité importante est d'être situé sur la ligne de démarcation) une histoire de l'Occupation et de ses humbles acteurs. L'intrigue, d'abord indécise parce qu'attachée à différentes péripéties, prend forme petit à petit autour du cas d'un résistant blessé que les villageois tentent de faire passer en zone libre en dépit des dangers et des investigations de la gestapo.
Le film de Chabrol n'est pas précisément porté par une quelconque exaltation nationale du devoir accompli, comme on a pu la rencontrer dans beaucoup de films de l'après-guerre. C'est son mérite, quoique la dernière scène du film -c'en est même étonnant de la part d'un réalisateur d'habitude volontiers iconoclaste- donne dans l'allégorie patriotique. En revanche, les portraits semblent parfois un peu superficiels, voire convenus (ce vétéran de Verdun interprété bien évidemment par l'irrésistible Roquevert ou ces infâmes gestapistes aux rictus très prononcés). On sera plus convaincu par l'ambiance générale du village, un domaine où excelle ordinairement le metteur en scène.