Pour son quatrième film, Sergei Eisenstein braque sa caméra sur un pauvre village russe où les paysans sont exploités comme des bêtes par les riches koulaks (les propriétaires de grandes fermes). Peu à peu, il met en avant la façon dont leur exploitation est inacceptable et comment ils vont créer une coopérative.
Alors que Lénine déclarait que le cinéma était le plus important de tous les arts, Sergei Eisenstein profitait des moyens importants mis en place par l'État pour se mettre au service du régime soviétique. Après trois longs-métrages mettant en valeur les bienfaits de la révolution d'Octobre, il est chargé avec La ligne générale de mettre en valeur la nouvelle politique agricole du parti, tout en dénonçant les propriétaires qui exploitaient avec misère et sans pitié les paysans. Pour ce, et contrairement à ses précédents films, il décide de mettre en avant un destin individuel, celui d'une pauvre paysanne qui travaille dur et qui ne récolte que le mépris de ses exploitants.
Mais Eisenstein ne se contente pas d'uniquement évoquer tout le bien de la nouvelle politique soviétique mais met vraiment en place une opposition de classe, le traitement inhumain subit par certains paysans, considéré comme de simples bêtes, et même une critique (assez satirique) envers la bureaucratie. Il montre aussi le rôle des femmes dans la nouvelle société soviétique (ainsi que l'obligation, pour le bien des paysans, d'accepter la nouvelle politique mise en place). Peu à peu il met en avant la montée de la colère paysanne, la difficulté pour eux d'arriver à leurs fins et toujours la façon de gouverner des koulaks. En plus de son propos, la force du film se trouve dans la façon dont Eisenstein décrit le monde des paysans tel qu'il était, que ce soit leur façon de travailler ou de vivres (les maisons et vêtements misérables, la non-éducation etc).
Si le film garde, encore aujourd'hui, toute sa puissance et sa force, c'est notamment dû à la mise en scène et réalisation d'Eisenstein. Ce dernier met en place de la tension qui va prendre de plus en plus d'ampleur plus on avance dans le récit. Ce qui change vis-à-vis de ses anciens films, c'est l'intrusion d'une atmosphère presque surréaliste, mettant en avant la colère animale ou la puissance des nouvelles machines, donnant une force mais aussi un côté poétique à son oeuvre. C'est sublimé par la réalisation d'Eisenstein, capable d'offrir de magnifiques plans (comme ceux surréalistes) mais aussi des contres-plongés (notamment sur les usines) et des gros plans mettant en avant les sentiments des personnages.
Bien plus qu'un simple film de propagande soviétique, La ligne générale est une oeuvre d'art aussi belle que puissante et fascinante et qui montre tout le talent et le génie d'Eisenstein.