A qui profite la guerre ? Vous ne trouverez aucune réponse dans ce film. Il est en fait la parfaite démonstration du paradoxe de celle ci : ceux qui la demandent ne la font pas.
C’est bien la guerre qui permit l’avènement de nos civilisations, nos nations et qui affirma nos cultures au fil des siècles.
Et pourtant, elle détruit les âmes des combattants, comment peut elle construire des nations ? A chacun sa guerre, à chacun son honneur, pourvu qu’ils meurent tous.
La ligne rouge débute sur des plans du soldat Witt, jeune, bohème, rêveur, au caractère nostalgique qui n'a pas l'air effrayé par la guerre. Il n'est pas effrayé parce qu'il en est ignorant et dans son cas l'ignorance est la seule porte vers l'espoir. C’est par ce spectre que nous allons nous laisser transporter dans la descente aux enfers. Nous ne savons pas où, ni comment nos fiers soldats américains vont se battre. Tous autant qu’ils sont se retrouvent téléportés dans un cauchemar dénué d'espoir. C’est au nom de la liberté que les soldats devront se battre, face à aussi fébrile et perdu qu'eux... Etonnant, quand on leur promet de rencontrer le diable.
Ce film aux abords contemplatifs nous laisse seul fasse à la désolation, la désorientation et la folie des soldats. Il nous accable de scènes où les hommes se retrouvent dans les entrailles de la nature, coincés dans un non-sens insupportable. Cette nature si paisible nous propose à l’image un contraste des plus déstabilisants. La délicatesse de la brise matinale s’oppose au souffle assourdissant et constant des obus.
La majorité des scènes de combat sont longues, quasi ennuyantes, où le temps est en suspend. Nul ne voit la cible mais elle nous tire dessus. La nuit, les cris tranchant des soldats mutilés dans l'entre deux camps ne laisse pas de place au calme, jusqu'à en rendre certains fous.
Le film joue sur l'attente pour être au plus près de la réalité. Nos aïeux jadis soldats n'avaient pas de coupure de scène pour les soulager d'une situation insoutenable, ils devaient attendre, attendre en souffrance, s'habituer. Malick met le spectateur dans le même situation. De très long plan où l'on entend des hommes crier de douleur, des hommes pleurer, des hommes basculant vers la folie, nous brise intérieurement avec comme seul moyen d'arrêter ce supplice attendre, attendre en souffrance, s'habituer.
Les commandants ne perçoivent que des objectifs et les soldats n’ont seulement conscience de ce qui y meurt: eux même. Au milieu des autochtones, des arbres millénaires, de rivières délicates, des collines vierges d’imperfections, au sein d’une île aussi isolée qu’un ours sur la banquise, des hommes meurent, lentement, sans prendre connaissance contre qui ils tiraient. Je ne dis pas que la guerre ne mène à rien, bien au contraire, mais elle devient insensée quand nous sommes en son cœur.
Witt et ses frères d'armes avancent, bataillent, tuent et conquièrent leurs ennemies, les japonais. Enfin ! .............. Enfin? Horreur et stupéfaction quand ils s'aperçoivent que ce qu'on nomme "les ennemies" ne sont que le reflet d'eux même, dans le miroir du désarroi et du mensonge. La souffrance est à son paroxysme. Nous devenons fous au même titre que les soldats, désorientés. Nous aurait on menti ? La victoire censée les délivrer ne fait que les accabler, est ce bien sensé ?
Pourquoi, pour quoi se battent ils déjà?
Censé nous sauver d’une idéologie, cette bataille perd son sens pour ce qui se sacrifie. Dans cette guerre, seule le cycle des choses en sort satisfait.