Et portait les muscles de Rambo, la coupe de cheveux de Bruce Willis... et tout au contraire la coquille de Calimero. Avec ça, il avait non seulement un physique atypique vis-à-vis des matons, mais se distinguait également par la place qui lui était échue dans l'Enfer carcéral dépeint à l'écran. Perdu comme une brebis dans une forêt bondée de loups, il est victime au péril de sa vie des apparences de l'habit qui ne fait pas le moine. Condamné à mort et jeté en cellule comme en pâture à la gueule du loup, le destin annoncé de cet « exorciste » est de pérégriner le long de la ligne verte jusqu'à subir une exécution moyen-âgeuse... Une question jaillit alors pour le « surveillant de profession » Paul Edgecomb, incarné par Tom Hanks, comme pour le spectateur : la violence, la folie, l'inhumanité et pour résumer le « mal » ne se trouvent-ils pas du côté de ceux qui s'octroient le droit de proclamer puis d'appliquer une sentence irréversible ?
A l'évidence, La ligne verte est donc un vibrant réquisitoire « fantastique » (ou fantaisiste ?) contre la peine de mort toujours en vigueur dans certains Etats du pays de la liberté (du billet vert)... Jusqu'à ce que la seconde morale du film, en trompe-l'oeil, soit à maudire. En effet le « messie » John Coffey se permet dès lors de régler ses comptes avec les véritables « méchants » en leur ôtant la vie alors même que le scénario semblait suggérer qu'il n'y avait pas plus odieux que la méthode du bourreau du barreau... Paradoxe du serpent qui se mord la queue lorsque d'un côté on nous sermonne que les assassins méritent de mourir par la Main de Dieu alors que de l'autre on nous fait comprendre qu'il est inadmissible que des innocents périssent dans le couloir de la mort... Ce remake du calvaire du Christ mâtiné de bondieuseries maladroites en cascade finissent par exaspérer jusqu'à nous intimer à vomir le puritanisme américain. En plus de cela, quelques longueurs (pour trois heures de film) dues à des scènes dont l'utilité reste à démontrer, maculent un peu plus la sainte pellicule... même s'il faut admettre qu'un relatif manque de rythme n'est pas un mal si l'on considère la gravité du sujet évoqué... Par anachronisme, on pourrait finalement dire que l'histoire de ce martyr a dans la forme un faux air de L'Etrange histoire de Benjamin Button... Pour le meilleur, ou sûrement pour le pire.