Avant toute chose deux éléments importants sont à préciser. Premièrement je n’ai jamais touché à la bande-dessiné d’Allan Moore et Kevin O’Neill dont est tiré le film, en particulier parce je ne suis pas parvenu à en trouver une version française. Deuxièmement j’ai vu ce film pour la première fois étant tout gamin et je l’ai tout simplement adoré. Le truc c’est que du coup La Ligue des Gentlemen Extraordinaires (à partir de maintenant je dirai juste La Ligue) est devenu pour moi une référence et à servi à définir mes goûts cinématographiques. Donc non je ne pourrais pas être pleinement objectif sur ce film. Mais on peut quand même essayer.


Commençons par ce qui me semble le plus important dans un film : le scénario. La majorité des gens qui n’ont pas aimé La Ligue accuse son scénario d’être déjà vu. Sauf que cela n’est pas un argument. L’important est de voir comment un film gère son scénario, pas que le scénario en lui-même soit original. Et si je reconnais volontiers que le scénario de La Ligue ne casse pas trois pattes à un canard, il sert parfaitement le film, en réunissant nos personnages et les plongeants dans l’aventure. Au final on ne lui en demande pas plus. Certains retournement sont prévisible (surtout si on fait attention aux compas, pour ceux qui comprendrons) mais un d’entre eux mérite qu’on s’y attarde. Il s’agit de l’identité du traitre (car oui il y a un traitre dans l’équipe). Si elle semble évidente à posteriori, il faut noter que, quand on s’y attarde, la majorité des personnages aurait put faire des traitres évidents. Cela découle d’une vraie ambiance de suspicion mutuelle entre les protagonistes, chacun ayant ses secrets et ses démons. Un résultat très appréciable et qui nous change très agréablement des héros biens sous tout rapport qui se rassemblent dans la joie et la bonne humeur.


Puisqu’on y est, parlons des personnages. Allain Quatermain est un héros plus que décent. Un aventurier réputé mais âgé, marqué par le poids des années et des épreuves. Le personnage, déjà très bon dans son rôle de meneur charismatique, est renforcé par le fait qu’il est joué par l’immense Sean Connery, certes pas au mieux de son art, mais parfait comme à son habitude. Les différents membres de la ligue sont tous de très bons personnages. Nemo est charismatique du début à la fin, même si l’on aurait souhaité plus de développement sur son histoire. Skinner (l’homme invisible) parvient à être insaisissable, tout en apportant quelques touches comiques qui collent à sa personnalité. Dr. Jekyll/Mr. Hyde est (sont) probablement le(s) meilleur(s) personnage(s) du film. Le conflit intérieur du docteur est parfaitement illustré (notamment à travers les miroirs) et donne l’image d’un drogué qui est une lecture intéressante du personnage. Concernant Hyde, on peut reprocher son apparence un peu « hulkesque » mais il faut noter une différence majeure avec le géant vert (blague involontaire). Dans La Ligue Hyde (Edward de son prénom) est parfaitement conscient et capable de raisonner. Ainsi, à la différence de Hulk il ne s’agit donc pas juste d’une montagne de muscle sans cervelle, un monstre à l’intérieur d’un homme, mais bien d’un personnage à part entière, avec sa propre personnalité. Venons en maintenant à ceux qui ont déclenchés la rage des puristes par leur présence dans le film (et surtout leur absence du roman graphique) : Dorian Gray et Tom Sawyer. Le premier, en plus de servir de définition vivante au dandy, est appréciable par son coté prétentieux et hautain. Le second, clairement là pour plaire au publique étasunien, correspond parfaitement l’archétype du héro hollywoodien bourrin et impulsif, mais se veux ainsi. Je le considère donc comme une réussite, d’autant que sa relation avec Quatermain, certes pas d’une originalité prodigieuse, est intéressante. Le dernier membre de la ligue, Mina Harker et est un cas intéressant. En effet il s’agit là d’un vrai personnage de femme forte et indépendante qui n’as pas besoin d’homme pour la protéger/la sauver (ce qui est quasiment dit textuellement dans le film). On évite toutefois l’autre cliché, celui du féminisme exacerbé, avec un personnage qui rappellerait qu’elle est une femme forte toute les cinq seconde. Même s’il s’agit (avec Nemo) du membre de la ligue sur lequel on s’attarde le moins et qu’on aurait voulu plus de développement sur son histoire, notamment en parlant un peu sur son mari (mort), il n’empêche qu’elle possède une vraie personnalité, et surtout une personnalité qui va au-delà du fait d’être une femme.
Les autres personnages sont beaucoup plus furtifs dans l’histoire. On notera toutefois un méchant avec un certain charisme, bien que pas extraordinaire. Il faut également mentionner que les personnages plus secondaires et même les figurants ont souvent de vraies interactions avec les protagonistes. Ça peut paraitre stupide mais j’apprécie beaucoup voir un homme de main du Fantôme se sacrifier pour lui permettre de fuir (et l’appeler par son prénom), ou de voir le Dr. Jekyll s’occuper d’un des hommes de Nemo pourtant anonyme.
Je ne me suis pas arrêté dessus au cas par cas mais chacun des acteurs est au moins très bon dans son rôle, notamment les membres de la ligue qui ont tous leur charisme propre.


Concernant la réalisation je serai beaucoup rapide, n’ayant que peu de connaissance dans ce domaine et encore moins de chose à dire. Rien ne se démarque vraiment mais toutes les scènes sont filmées correctement et efficacement, notamment les scènes d’actions qui sont rythmées et lisibles. La seule à être vraiment confuse, tant en termes de réalisation que de scénario, est celle de Venise qui devient vite un peu chaotique. Au passage j’offre un cookie à celui qui m’explique ce qu’est le levier qui permet à Hyde de vider l’eau du Nautilus lorsque ce dernier coule. J’en profite également pour signaler à ceux qui reproche au film que le Nautilus puisse naviguer dans les canaux de Venise (ou même la Tamise et la Seine) que le film ne se passe clairement pas dans notre monde, pas plus qu’il ne se passe dans l’univers des différentes œuvres référencées. Et pour continuer sur le Nautilus, son design (comme la majorité des designs du film) est magnifique.
La question de l’adaptation de la bande-dessinée d’origine ne se pose pas dans mon cas mais je pense que les libertés prises ne sont pas un problème tant que le produit fini est appréciable. Cela est d’autant plus vrai que, d’après ce que j’ai put comprendre, la bande-dessinée elle-même prend de nombreuses libertés par rapports aux romans d’origines. La Ligue fait d’ailleurs référence à diverse œuvres et de nombreux clin d’œil émailles le film (je pense à Quatermain qui parle de Phileas Fog, au fait que le chef de la ligue s’appel M, ou le bras droit de Nemo Ishmael). Cela donne vraiment l’impression d’être en face de tout un univers, ce qui n’est qu’appréciable.


Le film n’est toutefois pas exempt de défauts et trois d’entre eux ressortes majoritairement. Le premier concerne les effets spéciaux, notamment ceux du Nautilus, qui sont parfois très douloureux pour les yeux. A noter toutefois que le film comprend quand même un homme invisible et un Mr. Hyde tout les deux très réussis. La Ligue souffre également d’un vrai problème de durée. Il parait au final très court (alors qu’il dure quand même 1h50) ce qui provient probablement d’une mauvaise gestion du temps. Cela se ressent surtout au niveau des personnages, qui paraissent tous travaillés mais n’ayant pas le temps de se développer correctement. Ce traitement des personnages est aggravé par le troisième gros défaut du film : il est impossible de savoir si nous somme sensés connaitre ces personnages. Ainsi le scénario part parfois du principe que les personnages sont familiers au spectateur (le plus flagrant étant Nemo), mais parfois il prend le temps de nous les introduire et crée même du suspense sur leurs particularités (notamment Mina Harker et Dorian Gray).


Au final que penser de La Ligue des Gentlemen Extraordinaire ? Clairement pas qu’il s’agit d’un chef d’œuvre ou d’un grand film. Comme je l’ai dit il souffre de défauts majeurs, mais bénéficie aussi de vraies bonnes choses. Mon opinion personnelle (mais qui n’engage que moi) est que les responsables du projet ont été frileux et n’on pas oser aller plus loin (un film plus long, des personnages plus sombres et plus de moyens dans les effets spéciaux). Le résultat est donc inégal et même frustrant si l’on imagine ce que le film aurait put être.
Et pourtant j’adore ce film, plus que je ne pourrai le dire. J’ignore si c’est la pure nostalgie ou les vraies qualités que je lui accorde, notamment des personnages qui évitent le manichéisme le plus primaire, mais il s’agit sans conteste de mon film préféré. Il ne s’agit peut-être que d’un simple film d’action mais il parvient parfaitement à divertir le spectateur et à nous faire entrer dans son univers. Le meilleur moyen d’apprécier ce film est donc de le prendre pour ce qu’il est : pas un chef-d’œuvre mais un divertissement sympathique et agréable qui apporte en plus quelques originalités.
Au final La Ligue des Gentlemen Extraordinaires est à l’image du Nautilus qu’il nous propose, juste splendide dans l’esprit mais mal servi par son passage à l’écran.


PS : Merci beaucoup d’avoir prit de votre temps pour lire mon pavé. Je m’excuse platement pour sa longueur que je suis le premier à trouver excessive.

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le 21 févr. 2016

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Quentin_Tournon

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