--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au seizième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Retrouver Sirius et lui dispenser l'enseignement dont il avait besoin m'a complètement détournée de ma quête de l'an passé. Maintenant qu'il s'est assagit et que je n'ai plus qu'à lui égrener mes derniers conseils avant ses épreuves finales, j'ai un peu de temps pour essayer de mettre un terme à ma propre quête. Sirius a été le client qui a acheté ma potion à cette humain cupide et stupide, il me doit donc des explications. Nous nous sommes donc rendus ce soir à la boutique de potions, après le visionnage de La Ligue des Gentleman Extraordinaires.
Et quelle belle intuition nous avons eu là, que de regarder ce film, véritable mise en garde contre ce que l'humanité pourrait faire des monstres si elles s'en donnait les moyens. Il est vrai que le film est assez peu plausible et plutôt risible sur 90% de son contenu, mais il n'a probablement pas tort de considérer que la cupidité des hommes s'ils découvraient notre existence, les conduiraient certainement à faire de nous des armes, puis à faire de leurs armes des guerres. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous vivons cachées (ça et les brasiers de sorcières qui étaient devenus vraiment incontrôlables), mais il est bon parfois de nous rappeler qu'humains et monstres ne font pas bon ménage. Le film de ce soir s'y emploi.
Sous les airs intellectuels dont il se pare avec ses références littéraires plus ou mois inspirées (personnellement, sans surprise, j'ai beaucoup aimé la référence à Lewis Carroll) et ses décors de bibliothèques, le film n'en reste pas moins un ramassis d'idées inégalement ridicules. Faussement savant, le scénario se gausse d'un scénario complexe aux multiples retournements de situation, mais si on prend le temps de s'arrêter entre deux explosions, on constate rapidement que tout cela n'est que de la poudre aux yeux, et que plus la situation se retourne, moins elle est cohérente. Le méchant est méchant, mais en fait il est gentil, mais par contre le gentil est vraiment méchant, et le méchant fait semblant d'être gentil pour cacher qu'il est méchant, et qu'il s'est allié au gentil méchant pour aider un autre méchant qui finalement est peut être pas si méchant que ça, et à la fin le gentil ressuscite, parce que quand même c'était trop triste qu'il soit mort... Bon, c'est raté quoi.
Coté technique c'est pas mieux, avec des décors en carton-pâte qui pourraient avoir un charme, et des effets spéciaux crado qui eux ne peuvent vraiment pas en avoir. Les lumières sont moches et très grossières, révélant le studio avec des ombres latérales sur les décors assez dérangeantes. Malgré un tournage avec de vraies optiques scope, la technologie semble plus déranger le chef-opérateur qu'autre chose, qui tente de cacher les aberrations optiques, sauf quand il oublie ou qu'il rate... J'allais écrire un truc du genre « c'est qui ce guignol ? », mais en tapant son nom sur Wikipédia j'ai découvert que le monsieur avait entre autre à son actif Crimson Peak, La Forme de l'Eau et Nightmare Alley à son actif, trois chef-d’œuvre formels absolus. Soit il a diablement progressé, soit il a volontairement sabordé le film soit... Je ne sais pas, mais qu'est ce qui vous a pris Dan Lausten ? Après pour sa défense, on peut reconnaître tout de même des cadres plutôt recherchés à l'origine d'un montage sacrément efficace. Parfaite illustration de la chose, la transformation de Jekyll en Hyde, qui parvient habilement à cacher les mauvais effets spéciaux sous le tapis, par un effet de lumière toujours grossier, mais au moins efficace, ambiance crise d'épilepsie qui permet au moins de témoigner au mieux des sensations du personnage pendant sa transformation (c'est pas agréable, mais ça force l'empathie) et des raccords dans l'axe tout aussi agressifs venant souligner encore l'inconfort du personnage. Finalement avec ses décors au rabais, ses lumières ratés et ses effets spéciaux moches, le film aurait peut-être gagné à être un film d'animation ?
Le film parvient malgré tout à s'attirer ma sympathie. Son rendu boiteux et ses faux airs prétentieux, loin de m'agacer, m'attendrissent. Il faut dire que la belle brochette de monstres au casting n'est pas pour me déplaire. Car à part un Jekyll/Hyde qui semble convenu (mais finalement je ne suis qu'une ignarde en la matière, qui suis-je pour juger?), les autres font tous preuve d'une forme d'originalité plutôt intelligente. Tom Sawyer, Quatermain et Dorian Grey surprennent par leur simple présence, rarement invités dans les films de monstre patinés de film d'action. Mais ceux qui m'intéressent sont surtout Mina Harker et l'Homme Invisible. Pour la deuxième fois consécutive effectivement L'Homme Invisible sert de prétexte à inviter d'autres monstres dans le mois-monstre, mais cette fois au moins le prétexte est en lui-même intéressant. Débarrassé du sujet numéro 1 (puisqu'il est mort à la fin du livre, et d'ailleurs de toutes ses adaptations cinématographiques aussi), nous voici en présence d'un nouveau patient, Skinner, voleur de profession, comme c'est pratique. Malgré ses faibles ressources, le film n'oublie pas ni de nous montrer par transparence le contenu de son estomac, ni la neige se déposant sur ses épaules, ce qui est plutôt bienvenu après la suite d'échecs en la matière que nous avons essuyés en début de programme. Le personnage attire la sympathie, avec son espièglerie et son intelligence relative par rapport à ses prédecesseurs. Mais justement, là est le problème : on a changé de gaillard, et donc on s'est débarassé des troubles de la personnalité. Le film aura donc suggéré que Griffin était fou par nature, et que ni la potion, ni les perspectives immenses que celle ci ouvre pour son consomateur n'étaient à l'origine de sa démence. C'est dommage, et c'est passer à coté d'un puit de problématiques qu'il aurait été passionnant de soulever. Mais forcément quand on a cinq héros de la littérature au casting, on a bien peu de temps à consacrer à chacun d'entre eux, je commence à être habituée à l'effet Avengers...
Un mot, avant de conclure, sur le vampire du jour. Mina Harker. Quelle diable de bonne idée que voilà. Tellement diablement géniale que je ne peux m'emêcher de me demander pourquoi aucun meilleur film n'y a pensé plus tôt. Faire de cette potiche amoureuse une vampire sanguinaire méga-badass, je crois que c'est cela, finalement, qui m'empêche de jeter le film avec l'eau du bain. Cette Mina Harker là est parfaite. Elle a la sensualité du vampire, son effet de surprise, sa force qui ne la rend que plus cool, et ses faiblesses... Ah non pardon, le film a pas eu le temps pour les faiblesses. Peu importe. Même si elle n'était pas censé être la star de ce soir, encore une fois, le vampire l'emporte sur les autres créatures nocturnes.