Pour parler de La loi de la jungle, ça va être très difficile, étant donné que j'avais adoré le précédent film du réalisateur, la fille du 14 juillet, pour sa liberté, son humour absurde et sa beauté, mais aussi car le sujet me parle tout particulièrement. Il faut dire que je dois même être nommé en Guyane à la rentrée. Il va donc sans dire que j'attendais Peretjatko au tournant et que je voulais un chef d’œuvre, rien de plus, rien de moins.
J'ai eu exactement ce que je voulais, je me suis régalé tout le long durant, parce que c'est drôle, inventif, beau, touchant et aussi intelligent qu'irrévérencieux. Le film ne respecte rien et tout le monde en prend pour son grade. Il faut dire qu'au début du film j'ai eu un peu peur de voir un film qui disait juste : "La France a une politique coloniale en Guyane", mais en fait c'est bien plus complexe que ça et ça le fait passer par des blagues, des trouvailles visuelles, ne rendant jamais le propos lourd et surtout permet à la personne qui veut juste voir une comédie de se régaler tout en lui faisant se poser des questions, si le spectateur n'est pas trop abruti par la sortie prochaine de Camping 3.
Le film, grossissant très légèrement le trait par rapport à la réalité nous propose donc l’État français qui veut, avec l'Union Européenne, et tout un tas d'investisseurs étrangers, notamment le Qatar et des organismes privés créer une station de ski en pleine jungle. Projet fou ? pas tant que ça, puisque comme le dit Peretjatko lui-même, une station existe en plein désert saoudien... Et le fameux pont dont on parle tant dans le film, reliant le Guyane au Brésil existe réellement et il sert réellement à rien... Un beau projet qui ne sert qu'à engloutir du fric dans rien du tout.
Et à partir de ce postulat, pas si absurde que ça, comme on a pu le voir, on continue à grossir le trait, on est en août, donc tous les gens sont en vacances, il ne reste que les stagiaires, des stagiaires bientôt trentenaires qui n'ont pas de vraies expériences professionnelles... Le parc Guyaneige doit être aux normes européennes... et là c'est un peu le festival et c'est dit de manière assez intelligente. Parce que avec les normes on nie les spécificités locales, on se rend compte que que plus rien n'a réellement de sens, parce qu'on est en Guyane et que les normes qui n'en ont déjà pas beaucoup en Europe ici sont carrément débiles. Pire, que pour construire leur parc, on peut détruire la forêt vierge et quand même avoir un beau label écotourisme, parce que ce label ne concerne que ce que fait le tourisme sur place... que le parc ne créera aucun emploi... et que donc, tout ça ne sert à rien, ni écologiquement, ni économiquement pour la population locale. Et surtout, finalement, toutes les belles idées vendues, ne sont que du flan...
Il y a d'ailleurs une critique assez pince sans rire du gouvernement, des médias qui disent "oh les français râlent, mais au moment de faire un vrai choix, ils vont voter correctement" (un truc du genre), ce à quoi Macaigne répond, ouais mais l'extrême droite monte depuis 20 ans quand même... Ou bien la parodie du Je suis Charlie décliné actuellement à toutes les sauces...
Et voir ce joyeux bordel est absolument réjouissant. Mais il est réjouissant car on retrouve les acteurs géniaux de la fille du 14 juillet : Vincent Macaigne et Vimala Pons. Cette dernière, qui après Elle a décidé de continuer dans les grands films de 2016. Elle est absolument fabuleuse, rien que son visage embellit le monde. Il l'embellit d'autant plus que par moments, Peretjatko fait du Dumont, filme une embrassade, sous la pluie, avec cette phrase (que je cite de tête) : "Châtaigne, je voudrais te connaître toute ma vie", c'est presque aussi beau qu'un "Mon amour" dans P'tit Quinquin.
On a donc ce duo qui fonctionne tellement bien avec ces deux acteurs géniaux et ça suffit pour faire un très bon film. Seulement Peretjatko ne s'arrête pas là, parce que outre tout ce que je peux dire habituellement sur le beau, le vrai, qui reste encore vrai ici, tant ce couple est une évidence et d'une beauté folle, c'est tellement inventif. Le film propose tant de trouvailles en terme de montage, comme l'entretien entre Macaigne et le représentant du Ministre ou je sais plus qui, et la scène qui redémarre à chaque fois que Macaigne pose une question. Tout ça donne de la vie, on n'est pas face à une comédie plate, platement mise en scène, on sent que le réalisateur sait ce qu'il veut, sait ce qu'il veut produire comme image. Et ouais, on se marre. Je me suis régalé du début à la fin...
Alors non, c'est sans doute pas parfait, mais quelque part je m'en cogne pas mal, parce que moi j'ai pris mon pied comme rarement au cinéma, à la fois terrifié à l'idée de voir la jungle guyanaise qui sera mon habitat prochainement (avec sa faune et sa flore), et surtout subjugué par la beauté de Pons. Peretjatko lui a donné une petite voix fluette qui fonctionne tellement bien (ça doit être une voix accélérée afin de paraître anormalement aiguë) et les réalisateurs ont tellement bien compris que cette actrice faut la dénuder, qu'elle est belle, qu'elle te fait un film à elle seule, qu'elle est drôle, qu'elle a un charme fou avec son côté désinvolte clope au bec, sans jamais être vulgaire... qu'elle a des jambes magnifiques... et qu'un papillon qui se pose sur ses seins, c'est peut-être la plus belle chose au monde.
Je crois que je n'ai pas été autant enchanté par une actrice depuis Emma Stone dans Magic in the Moonlight. Et encore... parce que là Pons peut jouer des choses bien plus différentes étant donné la variété des situations, la rendant encore plus belle et pétillante.
Après la fin de la fille du 14 juillet, où elle faisait vraiment Anna Karina, ici, on a limite une citation de la fin d'Une femme est une femme... Et finalement la comédie de Peretjatko, c'est un peu dans la directe lignée de ce cinéma là, un cinéma qui ose tout, qui sait être critique, mais qui en aucun cas n'oublie d'être beau et poétique, d'émerveiller son spectateur...
Bref, je ressors de la salle des étoiles plein les yeux... Et je n'ai qu'une vie, moi aussi me retrouver sur une pirogue avec Vimala Pons qui me défie de l'embrasser, avant de lui retirer sa culotte avec les dents...