Lorsque Takashi Miike s'assagit et livre quasiment un film dit "d'auteur", ça donne Ley Lines / Nihon kuroshakai (1999) où comment il dépeint le destin d'une poignée de jeunes paumés qui rêvent d'une autre vie.
Trois jeunes hommes d'origine étrangère quittent leur campagne pour Tokyo. Ils rêvent de gagner assez d'argent qui leur permettrait de partir pour le Brésil. Pour se faire, ils décident de le gagner à la force des poings. Bientôt, ils se mettent à dos des malfrats locaux notamment après avoir croisé la route d'une prostituée d'origine chinoise...
Pour situer l'œuvre que représente Ley Lines, il faudrait dire qu'elle est le troisième volet de la trilogie des Kuroshakai (Triad Society) avec Rainy Dog et Les Affranchis de Shinjuku. Œuvre à part dans cette trilogie, Takashi Miike met de côté le film de gangster pour signer une œuvre sociale. A travers la quête initiatique de ces trois jeunes, Ley Lines se penche sur l'intégration difficile des minorités étrangères au Japon, ici la communauté chinoise où se révèlent des tensions qui n'ont rien de latentes. Si l'on regrettera que Takashi Miike n'aille pas plus en profondeur avec ce sujet, on pourra se laisser entraîner par ces cas suicidaires qui se leurrent et se confrontent à la vie d'adulte alors qu'ils restent indubitablement des grands enfants. Des jeunes qui s'entichent d'une prostituée constamment battue par son proxénète et qui nous donnent des passages plaisants à suivre jusqu'à ce final que l'on pourrait presque interprété comme l'accomplissant de leur rêve, principal leitmotiv de leur "pauvre vie".
Takashi Miike nous offre avec Ley Lines un film posé, loin des exubérances filmiques qu'il a pu enfanté. Il y a une lenteur voulue qui s'en dégage (qui pourrait ennuyée), brisée par des coups d'éclats qui font mouche. On retiendra une mise en scène qui offre quelques plans-séquences d'une grande qualité avec une caméra à l'épaule, ainsi qu'une photographie « sale » qui participe à l'ambiance même du film : désenchantée.
Ley Lines c'est le regret de ne pas voir Takashi Miike mieux exploiter son sujet de départ, le racisme au Japon. Si cette œuvre n'est pas la meilleure qu'il ait pu mettre en scène, elle reste une œuvre notable notamment pour certains des partis pris misent en avant.
Les invendus de Made in Asie #134