Touché par des critiques le qualifiant de film pro-Medef ou marxiste, La Loi du marché n'appartient selon moi à aucune des 2 catégories. C'est un film qui dépeint simplement un homme d'aujourd'hui, face à la réalité de l'emploi, face à ses obligations familiales. Un homme dans le merde, comme il y en a des millions en France, et ailleurs.
Les très nombreux plans séquences peuvent déranger au départ, faisant traîner certaines scènes. Mais en réalité, c'est justement dans ces longueurs qu'on parvient à appréhender toute la psychologie de Thierry, joué par Vincent Lindon. Je ne m'étendrai d'ailleurs pas sur son prix d’interprétation qui lui va comme un gant. Que ça soit dans la scène de la vente du mobile-home ou de la banque, on comprend que Thierry sait qu'il doit laisser partir une partie de son passé, mais refuse de détruire tout ce qu'il à construit. Ou les faces-à-faces insoutenables lorsqu'il devient vigile, et doit mettre de côté certaines de ses valeurs morales. Et mon dieu cette scène de coaching à Pôle Emploi, lente mais d'une violence inouïe, dans cette remise en question forcée de Thierry, qui n'a rien demandé mais qui doit encaisser des critiques en cascade auxquelles il n'était pas préparé. Une violence qu'on retrouve dans l'interrogatoire avec l’homme âgé, désemparé.
La caméra à l'épaule à également un rôle clé, elle est presque un personnage à part entière. Elle suit Vincent Lindon pour que nous fassions partie intégrante de sa lutte pour retrouver un statut. Nous avons avons l'impression de l'épier ou de ne pas être à notre place, notamment dans l'une des scènes finales où elle est en retrait, dans l'ouverture de la porte. Un choix qui alimente le malaise ressenti lors de cette scène d'ailleurs.
Les personnages sont d'une justesse incroyable. Très loin de la caricature, Stéphane Brizé dépeint à la fois caissières, DRH, syndicalistes ou banquiers, qui sont plus victimes qu'acteurs d'un système qui les dépassent.
Chacun fait son boulot, sans trop poser de question, car la loi du marché existe aussi pour eux.