J'ai peur de vous parler de The Wackness. Peur que ce faisant je me dévoile un peu trop à toi, lecteur que je ne connais pas. Peur de trop me livrer à ton jugement aveugle.
Car j'aurais du mal à décrire cette œuvre sans parler directement de moi. L'identification que j'ai ressentie devant ce film est... dérangeante.
Parce que le personnage principal, Luke... C'est moi. Je ne suis pas dealer (enfin, si je l'étais je ne pourrais pas le dire ici) je n'habite pas aux states, je ne suis pas étudiant. Mais Luke, c'est moi. Sa solitude, ses émotions, sa façon de voir la vie.
C'est un feel-good movie sur le mal-être, retranscription très fine de la vie, avec une bande son Rap & Rock absolument sublime. Les acteurs sont au diapason, la mise en scène est inventive tout en restant simple. Le tout dégage une sincérité, un plaisir et une profondeur qui m'ont touché au-delà du simple plaisir cinématographique.
J'étais loin de m'imaginer que j'allais vivre ça quand j'ai décidé de le regarder. Ce n'est pas comme lancer un classique en anticipant d'avance qu'il sera forcément intéressant. The Wackness n'est pas connu, n'est pas vraiment original, et son speech ne laissait présager, dans le meilleur des cas, qu'un film au potentiel sympathique pour combler le vide.
Mais voilà que dès les premières minutes, il m'a donné le sourire. Puis m'a ouvert les entrailles et s'y est logé. Il a mis à nu ma fragilité, et l'a fait de manière agréable. Tout naturellement, il a offert un tendre câlin à ma sensibilité.
Si la perfection est un concept abstrait et discutable, elle demeure un adjectif adorable pour servir un propos. The Wackness n'est pas parfait ; mais The Wackness est parfait pour moi au stade de ma vie où je l'ai vu. Sans aller jusqu'à dire qu'un film peut être thérapeutique, celui-ci m'a consolé, conforté, coconné.
C'est avec délice que j'ai savouré chaque moment de ce petit bijou. Délice auquel parfois s'est mêlé l'effroi : réaliser combien Luke est le reflet de moi-même. Cet espèce de misfit gentil et franc, à l'écart des autres, en manque d'amis et de sexe... Qui se réfugie dans l'imagination... Ce mec qui bande mou quand la fille qu'il aime se donne enfin à lui, parce qu'il stresse, parce que quand le plaisir le rattrape enfin, il doit apprendre à en retrouver le goût. Ce jeune homme qui, à l'aube de sa vie d'adulte, pense déjà qu'il va vieillir et mourir...
Ce gars un peu niais qui, au lieu de profiter du moment, se pose des questions et voit toujours ce qui ne va pas. Ce type qui se fait briser le cœur mais qui trouve encore la force d'être heureux de l'avoir vécu.
C'est moi, putain.
Bon, on n'a pas la même vie, j'ai la chance d'avoir des amis (à tel point que des fois je les rejoins pour passer un bon moment, c'est dire)... Mais dans le fond c'est moi. Et ça m'a chamboulé. Ça m'a retourné, tu comprends lecteur. Ça t'es peut-être arrivé ? Trouver dans une fiction quelqu’un qui te renvoie tellement à toi-même que tu as l'impression qu'on s'est inspiré de toi pour l'écrire...
Alors, je me suis laissé porter. Jusqu'à la toute fin du générique, triste que ça s'arrête. Déjà ? Si vite ? Noooon...
Un dialogue crucial entre Luke et Stephanie résume parfaitement la justesse de ce film, si accru de réalité sous son apparente simplicité :
«Stephanie: Know what your problem is, Shapiro? It's that you just have this really shitty way of looking at things, ya know? I don't have that problem. I just look at the dopeness. But you, it's like you just look at the wackness, ya know?
Luke Shapiro: I do?
Stephanie: All you have to do is look at me. And kiss me."
Tout est dit vraiment.
J'ai peu d'estime pour les phrases réductrices telles que "c'est mon genre de cinéma", promptes à mettre l'art dans des cases trop vite, obstruant ainsi la beauté de son éclectisme.
The Wackness n'est pas "le genre de cinéma que j'aime". C'est le genre de ressenti que j'aime vivre devant une oeuvre.
Au delà de mon approche extrêmement personnelle, C'est un film sans prétention mais qui vise là où il faut. Avec subtilité et délicatesse, il mêle le point de vue de Steph à celui de Luke: il rend heureux son spectateur en lui parlant de tout ce qui va mal dans l'existence.
C'est beau. Voilà. Merci.