LA LUNE DE JUPITER (15,8) (Kornél Mundruczo, HON, 2017, 128min) :


Détonnant drame qui dépeint le parcours d'Aryan jeune migrant syrien clandestin voulant traverser illégalement la frontière en Hongrie. Le réalisateur hongrois Kornél Mundruczo, habitué depuis ses premiers films à décrire les valeurs humaines sur le déclin, fut réellement révélé par le terrassant White God (2014) et revient avec un conte fantastique pour enfoncer le clou avec La Lune de Jupiter. Assurément le cinéaste pousse le curseur bien plus haut avec ce véritable chemin de croix décrit à travers cette surprenante fable très mystique, sociale et politique sur le sort des réfugiés dans une Hongrie corrompue et violente, simple symbole de l'astre Europa en proie avec une peste nauséabonde prête à ressurgir. Kornél Mundruczo kidnappe le spectateur d'entrée de jeu avec une séquence oppressante, puis dès la séquence suivante nous met à bout de souffle par des travellings latéraux tendus avant de nous happer complètement avec séquence de survie dans l'eau jusqu'à le coup de grâce qui fait léviter d'emblée l'œuvre vers le fantastique. Le cinéaste déploie tout au long du film une magistrale mise en scène en apesanteur avec des plans-séquences impressionnants, où la caméra virevolte autour des corps pour mieux les abandonner dans l'espace. Une virtuosité détonante où la maîtrise formelle sert un récit casse-gueule parfois bancal mais haletant dans le rythme rageur de certaines scènes d'actions ébouriffantes et dans ses ruptures de tons. Un film politique d'un cinéaste qui a foi dans les pouvoirs du cinéma comme dans ceux de son "super héros" pour dénoncer tour à tour les replis identitaires, la crise de foi, la police mafieuse, les actes terroristes, le cynisme et la corruption qui gangrène les autorités sur les cendres d'un monde à terre, piétinant sans vergogne les valeurs morales dans la boue. Cette mise en image, ostentatoire pour certains, complètement dingue pour d'autres, afin de mieux décrire cette Europe malade, s'imprègne d'une narration métaphysique voire christique pour brosser le portrait en décalage d'une sorte de christ ressuscité et d'un médecin en quête de rédemption au milieu d'un pays en proie à l'apocalypse. Le réalisateur utilise les effets numériques à minima mais avec une grande fluidité pour offrir notamment des scènes de lévitations de toutes beautés, des moments de grâce suspendus. La partition musicale et l'instrumentalisation sonore du compositeur anglais Jed Kurzel apporte une ambiance angoissante particulièrement judicieuse, dans ses vibrations au cœur du chaos. Ce pamphlet politique et social baroque passionnant, en forme d'allégorie surréaliste, navigue entre les genres parfois avec maladresse mais toujours avec un souci d'images qui marqueront les rétines et la mémoire à l'instar de son collègue Lazlo Nemes, ou en évoquant le réalisme terrifiant du film d'Alfonso Cuaron Les fils de l'homme (2006), pour pointer du doigt son propre pays et dénoncer de manière originale la condition des migrants. Ne l'évitez pas, il faut absolument découvrir cette expérience cinématographie imparfaite mais passionnément dense et visuellement étourdissante sous La Lune de Jupiter, où l'espoir ne peut venir que de l'autre....Sidérant. Vacillant. Audacieux. Fascinant.

seb2046
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le 24 nov. 2017

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