Maurice Tourneur met en image la nouvelle «La main enchantée» de Gérard de Nerval et réserve une ambiance particulière et réussie. Le fantastique est d’autant plus marquant qu’il nous éloigne des effets appuyés pour nous faire frémir. Ici tout est dans la normalité, pas de monstre caché ou de visage déformé, seuls les plans de caméra suggèrent plutôt que de montrer, des saynètes aux tons surréalistes, des ombres géantes comme autant de peintures effrayantes, des recoins sombres comme autant de dangers...Les regards perplexes ou apeurés, et le visage torturé de Roland prêt à sombrer dans la folie, pour un huis-clos qui nous amène lentement vers le drame en dosant son suspense et sa tension.


Un homme qui semble pourchassé se réfugie dans une auberge isolée par le mauvais temps, sa main gauche gantée et avec pour seul bagage une boite en bois dont il ne semble vouloir se défaire ; il finira par raconter son incroyable aventure à un auditoire étrange. Peintre fauché, il aurait fait l’acquisition d’un talisman, une main magique, afin d’accéder à la reconnaissance.
Le paquet disparaît et l’enquête prend forme. Une narration sous forme de flashback où on suivra la destinée de «la main», les différents possesseurs au cours du passé pour finir par rejoindre son propriétaire, le moine Maximus Léo, dépossédé lui-même par le diable en personne.
En ressort toute l’ironie du combat entre le Diable et Roland.


Pierre Fresnay comme toujours excellent, s’éloigne de son personnage pragmatique du commissaire Wenceslas Vorobeïtchik, dit "Wens"... pour ce peintre sans gloire qui vendra sans le savoir son âme au Diable... Il sera enfin le peintre reconnu, retrouvera la femme qu’il aime et tout semblera lui sourire. Pourtant Roland doit revendre la main si il souhaite sauver son âme...De sa célébrité en freins multiples il oubliera de s’en séparer. Le diable lui proposera de la lui reprendre dans un délai de un an. Mais chaque jour la somme à verser sera doublée.


Malgré quelques moments plus légers, ou encore le choix particulier des seconds rôles parfois étonnants, une revisite du mythe de Faust assez sombre.
En dehors de l’époque de tournage du film et de ses références à l’occupation allemande, il est question de la faiblesse des hommes et leur perdition, de la lutte entre le bien et le mal, et la main elle-même se révélera tout autant bienfaitrice que maléfique, pour une fin tragique qui boucle la boucle. Du diable et de son aspect si peu effrayant, sorte de bureaucrate attentionné et inoffensif, à Irène douce et délicate compagne, Roland est manipulé. Ces deux personnages, qui ne sont pas ce qu’ils semblent être et cet auditoire, dont on ne sait si il est finalement un soutien ou un danger, renforcent l’abîme dans lequel est plongé Roland. De même Roland, devenu l’excellent Maximus Leo, vendant ses toiles à prix d’or et peignant de la main gauche renvoie à la double personnalité, à l'oubli de soi et à la perte d’intégrité face à la recherche du pouvoir.


Un film qui fait date mais c’est toujours un plaisir de voir la simplicité et toute l'efficacité de la narration. Un scénario étonnant à l'époque et des jeux d'acteurs inspirés. Les quelques effets sur des décors minimalistes, jouant des ombres et lumières suffisent à rendre une belle ambiance fantastique. Le noir et blanc et une belle photographie renforcent l'aspect hors du temps. Un moment nostalgique de cinéma.


A voir ou à revoir.

limma
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le 18 avr. 2017

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limma

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