Bien avant Martin Scorsèse, "La main noire" raconte la vie quotidienne des commerçants de la Little Italy, rackettés par des gangsters, récents migrants et reproduisant ici leurs méfaits, organisés, dans l'Amérique du début du 20ème siècle.
Ce qui surprend en premier lieu, c'est le soin accordé à la reconstitution: film de studio, la MGM nous avait habitué à cela, avec généralement de gros moyens et des stars. Ici, rien de tout cela; pas question de nous en jeter plein les yeux: pas de scène spectaculaire ni de figurants à foison; le dosage est plus subtil; on adhère assez vite à "l'authenticité" de cette communauté italienne où les hommes chantent, dans les bars, dans leur langue maternelle, où la soeur aînée demande à son jeune frère de lui parler anglais dans un souci évident d'intégration. On comprend, dès le premier drame, tous les espoirs déçus de ces italiens venus fuir la misère et prêts, alors, à payer cher (au sens propre et figuré) et/ou à se compromettre avec "la main noire" pour pouvoir continuer à vivre dans ce nouvel El dorado que constituaient les Etats-Unis.
"La main noire" étonne encore par la qualité de sa photographie; le film se déroulant souvent de nuit (normal pour un film de gangsters), nous avons droit à un superbe noir et blanc, rappelant, sans ostentation là encore, par moments, l'expressionnisme.
Certes, le scénario pêche ici ou là par quelques facilités mais on se laisse quand même aisément happer par le destin du héros qui, sur le point de baisser définitivement les bras, se bat pour faire éclore sa justice et celle des autres. Gene Kelly y est pour beaucoup; c'est lui qui interprète le jeune italo-américain vengeur épris d'idéaux de justice. Loin de ses comédies musicales, Gene Kelly se montre aussi très à l'aise dans le drame.