---Bonjour voyageur égaré. Cette critique fait partie d'une série. Tu es ici au septième chapitre. Je tiens à jour l'ordre et l'avancée de cette étrange saga ici :
https://www.senscritique.com/liste/Franky_goes_to_Hollywood/2022160
Si tu n'en a rien a faire et que tu veux juste la critique, tu peux lire, mais certains passages te sembleront obscurs. Je m'en excuse d'avance. Bonne soirée. --


Mon tendre loup,


De jour en jour je m’impatiente un peu plus de ta réponse. Il est vrai que je ne t’avais jamais écris avec une telle fréquence, et cela me pousse, naturellement à penser plus à toi encore qu’à l’habitude. Tu dois avoir reçu ma première lettre de ce mois-Frankenstein maintenant, et peut-être même y as-tu répondu. Peut-être tes pensées manuscrites survolent-elles la mer en ce moment même que les miennes se languissent de toi. 
Heureusement j’ai Universal Monsters pour me tenir compagnie, et une bonne compagnie qui plus est. Ce soir j’ai vu pour la deuxième fois consécutive un film mettant en scène mon cher Lon Chaney en lycanthrope, et cela me réjouit. Mais plus réjouissant encore, il y a la très grande surprise que je ressens ce soir, ce très large sourire sur mes lèvres : contre toute attente, le film que j’ai vu ce soir était bien.
Je t’entends déjà rire, mais rends-toi bien compte, j’étais pourtant persuadée savoir ou je mettais les pieds. Ayant vu La maison de Dracula il y a deux ans, en ayant dégusté chaque exploit repoussant un peu plus loin les limites du kitsch et du non-sens, j’étais convaincue découvrir ce soir avec La maison de Frankenstein un autre navet à la même hauteur que mon film d’hier, si ce n’est mieux. Et par un incroyable miracle, finalement, le film se tient. Alors entendons-nous, certes ce n’est pas un chef-d’œuvre, loin de là, et certes j’ai ri par moment, mais pas tant que je l’espérai, et avec, il faut le dire, un peu de mauvaise fois par moments. D’une transformation de vampire qui se veut mieux que la chauve-souris en plastique et qui s’en rend finalement bien pire, à ces effets spéciaux tournés à la pâte à modeler ou encore ce scénario écrit en 15 minutes avant de partir en vacances, il est vrai qu’on ne partait pas gagnants.
Alors qu’est ce qui se passe ? Pourquoi j’aime ? Je ne cesse de me poser la question depuis que le rideau de ce film est tombé n’en trouvant que des réponses partielles. Je crois qu’en grande partie j’ai été subjuguée par les acteurs, qui livrent des performances remarquables. Puisque je parlais de Lon Chaney déjà plus haut, je l’ai trouvé ce soir bien plus juste, bien plus touchant que dans Frankenstein rencontre le loup-garou. Il campe toujours son rôle de lycanthrope dépressif, mais il fait se rattacher son personnage à un espoir illusoire de voir ses tourments apaisés. Nous, spectateurs omniscients, voyons comment ses espoirs sont vains, et comment ceux-ci brisent un autre personnage le côtoyant. Ça ne rend que plus poignant chaque intervention du loup-garou.
Mais, et je sais que je vais blesser ton cœur jaloux par mes mots, tu sais bien que pour moi personne n’arrivait à cette époque à la cheville de John Carradine, que je retrouve ce soir avec bonheur. Revenu ridiculement d’entre les morts (tu aurais pu dire aux scénariste Hollywoodiens que quand il ne reste que les os d’un vampire, en retirer le pieu qu’il aurait encore entre les cotes ne le ferait pas revenir, tout en peau et en chair, pour autant… Enfin, si c’est pour justifier un rôle à John Carradine, je ferais l’impasse sur cette ânerie), il incarne un compte Dracula plus séduisant que jamais, tout en moustache et en chapeau haut de forme. Je suis certes un peu déçue du fait qu’il boive du vin, s’asseyant complètement sur la désormais culte réplique « I never drink… Wine », et déçue encore par sa façon d’obéir comme un brave petit chien à celui qui l’a libéré. Il incarne finalement un vampire faible, à la merci d’un autre. Vision décevante, peut être, mais extrêmement intéressante, car c’était une vision du vampire assez inédite à l’époque. Et même si je me doute bien que le scénariste n’a pas fait exprès, cela permet du moins à John Carradine de laisser s’exprimer un jeu plus complet et complexe qu’on l’aura connu dans les productions vampiriques précédentes -notamment sur la scène de sa mort, si pathétique qu’elle a faillit me tirer quelques larmes.
Si je n’ai pas parlé de la créature de Frankenstein jusqu’à présent, c’est parce que celle-ci a la bonne idée de rester morte pendant la quasi-totalité du film, ne ressuscitant qu’à la fin pour démêler celle-ci et l’amener à sa conclusion, somme toute classique mais efficace. La créature se révèle alors loyale, fidèle, effrayée par les humains et sans aucune conscience de sa force. Bref, une créature dont la psychologie, bien que survolée, s’apparente plutôt à celle que lui donnait l’œuvre original et les premiers opus Universal qu’aux médiocres productions ayant suivi. Surprenant n’est-ce pas ? Et d’ailleurs, la créature n’est pas interprétée ce soir par Boris Karloff, celui-ci revêtant… Le rôle principal. Il s’en sort bien, incarnant un esprit maléfique et torturé, et même sans le masque, ça marche à la perfection.
Mais, oui, je vais devoir finir ma critique -et ma lettre par la même- sur une note négative : mon enquête n’avance pas. Je n’ai même pas réfléchit ce soir à un sens caché, un message à décoder, un indice quel qu’il soit. Car je ne peux accorder aucun crédit à ce film. J’ai déjà cité quelques idées farfelues, en voici une autre, qui t’amusera j’en suis certaine : on nous raconte dans ce film qu’un loup-garou ne peut être tué que par une balle en argent (jusque là, tout va bien) tirée de la main d’un être aimant suffisamment sa victime pour la comprendre. … Je te laisse le temps qu’il te faut pour te remettre de cette absurdité avant de poursuivre ta lecture. Car certes cette idée est complètement sortie de nul part, mais quand on y réfléchit, en tant qu’idée pour de la fiction, ce qu’elle est dans l’absolue, elle n’est pas si mauvaise. Et c’est le cas de toutes les idées de ce film : pas si bêtes, pleines d’enjeux scénaristiques, ouvrant des fenêtres vers une émotion, mais sortie d’un grand chapeau, sans aucun fondement, sans aucune suite ni préquel. Dommage pour un film qui se veut la suite commune à trois sagas différentes...
Demain, je clôturerai la période Universal Monsters par une comédie. Une vraie comédie j’entends, et c’est ce qui m’effraie. Car si Universal sait très bien faire rire à son insu, quand ils produisent des films sans budget ni ambition, conduisant à des scénarios loufoques et des effets spéciaux au sommet du ridicule, je me demande bien comment la firme s’y prendra pour faire rire intentionnellement…
avec toute mon affection,
H.
Zalya
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le 9 nov. 2018

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