Faire saigner les oreilles du public ne lui suffisait pas. Rob Zombie (Robert Cumming de son vrai nom) a donc voulu investir le monde du 7ème art après s’être essayé plusieurs fois à l’exercice du clip-vidéo afin de nous faire pisser le sang par tous les autres orifices. Sa première expérience (The Crow 3) avait néanmoins tourné court puisque le réalisateur s’était fait dégagé pour cause de différent artistique ce qui l’a amené à concrétiser un scénario qu’il venait de pitcher grossièrement à Universal. La Maison des 1000 Morts est une œuvre patchwork, un premier essai avec tout ce que cela implique d’hommages appuyés. En effet, difficile de ne pas penser à Massacre à la Tronçonneuse 1 et 2 avec cette bande de jeunes freluquet qui vont s’égarer dans la campagne texane et tomber sur une famille de meurtriers consanguins qui n’a absolument rien à envier aux Sawyer. Bill Moseley qui interprétait autrefois le rôle de Chop Top s’assure d’ailleurs de transmettre le relais en se positionnant comme le patriarche de cette ménagerie de tarés. A l’instar de Quentin Tarantino, le cinéaste parvient néanmoins à conjuguer toutes ses influences qu’il intègre à un univers foisonnant et décalé constitués de farces et attrapes, d’attractions foraines, de freaks, de serial-killer et de redneck du sud des Etats-Unis. Ce patchwork improbable lui permet de forger sa propre identité et de s’émanciper de l’œuvre séminale de Tobe Hooper dont le traitement diffère viscéralement.


Son introduction ressemble d’ailleurs à une grosse pantalonnade avec ce braquage qui va vraisemblablement mal tourner pour les assaillants. Cette entrée en matière présenté par un clown gouailleur à la trogne patibulaire donne le ton d’un film qui oscillera sans cesse entre l’horreur et l'humour noir. Nous suivrons donc l’itinéraire d’un groupe de jeunes gens qui à la suite d’une visite dans le musée des monstres et des malades mentaux du Capitaine Spaulding vont tenter de percer le mystère d’une légende local. Pour ce faire, Rob Zombie créer un folklore de toute pièce autour d’un croquemitaine (le docteur satan) qu’il met en scène dans un train fantôme faisant l’apologie des pires serials killer de l’histoire des Etats-Unis (Gacy, Ed Gein et même l’infâme Albert Fish s’affichent dans des reconstitutions macabre digne d’un Disneyland sous acide). Evidemment les visiteurs trop curieux finiront par tomber dans un traquenard fomenté par une autostoppeuse hystérique (Sherri Moon Zombie, la femme du réalisateur) qui va leur offrir le gîte et le couvert. La Maison des 1000 morts tort d’ailleurs le cou aux conventions du genre en faisant de ses antagonistes les véritables stars du film ce que viendra d’ailleurs étayer ce show complètement fantasque qu’ils vont organiser en l’honneur de leurs invités le soir d’Halloween. Cela en fait une œuvre d’autant plus subversive qu’il sera de bon ton de s’amuser des complaintes et martyrs de ces victimes qui à l’instar du public finiront par obtenir la dose de frissons qu’ils étaient justement venus cherchés en ces lieux.


Pour pallier à l’artificialité des nombreux survival qui sévissaient alors sur nos écrans (Jeepers Creepers, Détour Mortel), le réalisateur a fait le choix de détériorer volontairement son image pour lui donner d’avantage d’authenticité. Il met également à profit toutes ses connaissances techniques héritées de ses précédents clips pour livrer un kaléidoscope constitués de snuff movies, extrait de films, journaux télévisés, et et autres bizarreries, qui se télescopent au montage. Rob Zombie fait d’ailleurs preuve d’une audace formelle de tous les instants en parasitant son image de digressions visuelles (saturation des couleurs, surexposition de l’image, surabondance de filtre sépia, utilisation de split-screen) et sonores. Ces visions infernales et dépravante (on touche parfois à la nécrophilie) trouvent une cohérence narrative dans l’intrigue puisqu’elles permettent de faire le pont avec les nombreuses disparitions non élucidés du comté de Ruggsville perpétré par cette famille de meurtriers qui ont fait de leur baraque un véritable charnier de corps en décomposition. La Maison des 1000 morts porte donc bien son nom.


Cette multiplicité d’effets donne au long-métrage des allures de cauchemar fantasmagorique notamment dans sa dernière demi-heure lorsque le cinéaste plongera dans le trou du lapin blanc pour balancer ses derniers survivants au cœur d’un enfer cryptique. Le film devient même une brillante réflexion sur la mutation du cinéma de genre alors en passe de se convertir au numérique. En résulte une mise en scène alternant entre plusieurs formats (pellicule et vidéo) que le réalisateur lie et raccommode en filmant parfois sa propre télévision afin d’obtenir une image sale, granuleuse, parasité par des glitch et de la neige magnétique. Ces expérimentations ont également du sens, puisqu’elles permettent d’exprimer la folie de ses antagonistes qui dans leurs délires créatifs tentent de créer de nouvelles compositions et espèces (le garçon-poisson) en lien avec ce cabinet des curiosités visité en début de récit. Ce rapport fétichiste à l’image trouve une résonance particulièrement pertinente à la fin lorsque les patients du Doctor Satan se feront triturer les méninges au bistouri avant de finir lobotomisés devants leurs écrans de télévision. D’une certaine manière cette hybridation mène inévitablement à une dégénérescence du médium et de son public. Ne cherchez plus c’est ici l’enfer.


Tu veux ta dose de frissons et d’adrénaline pour Halloween ? Rends-toi sur l’Écran Barge où tu trouveras des critiques de films réellement horrifiques, situés à mi-chemin entre le fantasme et le cauchemar.

Le-Roy-du-Bis
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le 9 sept. 2024

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