La maison, c'est d'abord la riche demeure de Nikhil, pacifiste indépendantiste qui souhaite que l'Inde développe ses propres manufactures afin que les Indiens puissent vivre de leur travail sans avoir à subir l'implacable concurrence anglaise. Il ne rejette toutefois pas ce qui est de provenance anglaise.
Le monde, c'est l'Inde de 1905 en crise. La scission du Bengale en deux et l'antagonisme entre Hindous et Musulmans. Le monde est représenté par Sandip, ami de Nikhil, fervent nationaliste et grand orateur.
Deux sphères qui s'attirent et s'opposent, la maison monde, le monde maison.
La maison et le monde, c'est aussi l'imbrication subtile que fait le cinéaste entre l'intime, le privé, l'unité familiale et le lieu des sentiments, avec un contexte historique, politique social et extérieur.
Au centre de cette histoire, entre ces deux hommes et ces deux entités, il y a une femme, Bimala, l'épouse de Nikhil. Le film raconte sa trajectoire personnelle, intime et géographique, le passage de la maison, lieu cloisonné, rassurant, duquel elle n'est jamais sortie, vers l'extérieur et le monde. Ce passage va se faire par l'entremise du désir et des sentiments et par le biais de Sandip qui incarne cette ouverture au monde. Bimala se retrouve partagée entre sa fascination, sa passion et l'aventure qu'elle éprouve pour Sandip, et l'attachement affectif envers son mari et ce qu'il incarne, stabilité et protection.
Elle qui vivait dans une consommation permanente de produits anglo-saxons, dans un cocon refermé sur lui-même, va être impulsée par un sentiment d'action politique nationaliste et de lutte. Contre ces mêmes produits (entre autre).
Cette action de franchir la porte, d'évolution de pensée et de comportement, est principalement guidée par la parole, le pouvoir des mots. Elle est séduite par la parole de Sandip, ses discours publics engagés, rassembleurs, mais aussi ceux proclamés en privés. Les cris et les chuchotements.
La séduction des mots qui peut cependant cacher la réalité des intentions.
Les mots qui ont une place essentielle dans le film, extrêmement dialogué. Mais là encore les mots ne sont qu'une première façade, un premier rideau. Ce qui est passionnant ici avant tout c'est ce qui se cache derrière la parole. Toute la mise en scène géniale de Ray qui avance en douceur et subtilité pour dévoiler toute la complexité humaine et la richesse des sentiments. Rien n'est jamais définitif ni catégorique chez Satyajit, tout est en suspens, tout évolue. De la construction des personnages à la construction spatiale du plan. Encore une fois c'est une merveille.
Teklow13
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le 26 avr. 2012

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